Lutte contre la grossophobie, fat activisme, "positivité corporelle"... Et si ces nouveaux mouvements militants visant à l'acceptation de soi représentaient un vrai danger sanitaire pour les personnes en surpoids et en état d'obésité ?

Popularisé par la revue Eléments, David L’Epée se lance ici dans un nouveau projet éditorial, beaucoup plus personnel, autour de quelques grandes passions : la pensée politique, la philosophie, le cinéma, l’érotisme - et bien sûr, toujours, le débat d’idées.

Au fil de L’Epée

Lorsque le wokisme essaie de normaliser des comportements pathologiques et dangereux sous prétexte de lutte contre les discriminations, ce sont les bases même de la santé et de la médecine qui sont "déconstruites". Et les premières victimes, comme toujours, en sont les populations que ces idéologies mortifères sont censées protéger.

C'était le thème de mon intervention dans le Libre journal de Philippe Mesnard. 

Qui sont les activistes de la corpulence ?

Non, « Au fil de L’Épée » n’est pas mort ! J’avais juste besoin d’une petite pause revigorante. Explications et perspectives d’avenir.

Comme certains d’entre vous me l’ont fait remarquer cela fait plusieurs semaines que je n’ai plus alimenté ce petit média et je n’ai rien publié ici depuis Noël. Je vous prie de m’excuser pour ce silence. Il y a à cela plusieurs raisons. La première, c’est que j’ai pris durant les fêtes de fin d’année deux vraies semaines de vacances, ce qui ne m’était plus arrivé depuis bien longtemps et ce qui ne m’arrivera plus avant le mois d’août. J’ai donc tenu à en profiter et me suis complètement déconnecté. La deuxième raison c’est que tout le reste du temps, en dehors de ces deux semaines de repos, eh bien justement… je travaille.

 depuis le début se souviennent peut-être que lorsque j’ai lancé ce petit média en ligne je me trouvais dans une situation matériellement difficile : ayant quitté la petite PME que j’avais co-administrée durant douze ans je me retrouvais sans emploi et sans aucune sécurité financière qui aurait pu me donner le temps de me retourner, la caisse de chômage ayant tout fait, à force de complications administratives, pour m’empêcher de bénéficier de mes droits. Alors que ma situation était déjà critique est venu s’ajouter à cela 

l’acharnement de trois journalistes de 

 désireux de me couper l’accès à mes dernières ressources financières (mes conférences) et de salir ma réputation en espérant que les employeurs assez audacieux pour m’engager seraient définitivement effrayés après avoir lu leur article indigne et diffamatoire à mon propos. Les perspectives étaient très sombres et tout aurait pu se terminer là pour moi.

. De passage à Paris le printemps dernier où j’organisais une petite fête pour mon anniversaire, la verrée entre amis s’est progressivement transformée en soirée de soutien, rassemblant dans notre joyeuse cave diverses personnalités des arts et des lettres (pardon pour l’appellation un peu pompeuse mais je ne sais pas comment les appeler autrement) indignées par la cabale dont j’étais l’objet. En une semaine, grâce à votre générosité, je réunissais la somme nécessaire à engager un avocat pour défendre mon honneur et mettre enfin face à leurs responsabilités ces inquisiteurs à carte de presse qui pensent avoir tous les droits dès qu’il s’agit d’abattre un auteur de l’opposition. Nous avons décidé que désormais nous ne nous laisserions plus faire et que la peur devait changer de camp. Le procès aura lieu dans la seconde quinzaine du mois de mars, je vous tiendrai au courant du verdict.

Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, je retrouvais dans la foulée un emploi. Le recruteur que j’avais en face de moi savait parfaitement à qui il avait affaire, il m’avait « googlisé » (comme tous les recruteurs) et ne trouvait rien à redire ni à mes idées ni à mes engagements. « Je vois que vous avez quelques petits soucis avec 

… » m’avait-il dit, un peu malicieux, en consultant son ordinateur. Lui non plus n’aimait pas beaucoup les flics de la pensée. Je me retrouvais de manière inespérée dans une entreprise qui partageait un grand nombre de mes valeurs : la liberté d’expression, le non-alignement sur les dogmes à la mode et une volonté farouche d’autonomie et d’indépendance à l’égard des pouvoirs constitués.

Cela fait neuf mois (le temps d’une gestation !) que j’ai rejoint cette nouvelle aventure et j’en suis ravi. Quel bonheur que de pouvoir être engagé pour ce que je suis et non 

 de ce que je suis ! Ce nouveau poste ne m’a pas seulement sauvé la mise sur le plan matériel, il m’a donné l’occasion de renouer avec un domaine d’activité qui m’est cher et m’a permis de mettre au service de projets auxquels je crois le seul instrument dont je maîtrise véritablement l’usage : ma plume. Bref, je pouvais difficilement tomber mieux.

Cette réorientation, toutefois, a eu un prix. Un prix que j’ai accepté volontiers mais qui modifie forcément un peu ma manière de fonctionner. Je travaille 45 heures par semaine et effectue chaque jour quatre heures de train en moyenne, ces quatre heures étant l’espace-temps qui sépare la ville où je travaille de la campagne où j’ai tenu à continuer d’habiter. Certains à ma place auraient fait le choix de déménager, de s’établir en ville, mais il était impensable pour moi de quitter ma chère vallée. Je pense avoir fait le bon choix : je m’extrais chaque fin d’après-midi du tumulte de la cité et retrouve en début de soirée le silence apaisant du village, troublé seulement par le ruissellement des fontaines et l’écho des cloches des vaches. Il n’y a peut-être qu’en Suisse où on peut vivre ce type de contrastes au quotidien, et on apprécie d’autant plus la sérénité des champs quand on vient de s’échapper du tourbillon du métro bondé, des boulevards saturés par la foule et de la cohue des automobiles.

On m’a plusieurs fois demandé si ces longs trajets en train, répétés jour après jour, ne me fatiguaient pas. C’est tout le contraire. Ces heures bloquées ne sont pas perdues : elles me donnent l’occasion de continuer à mener ma deuxième vie, de pouvoir écrire encore. Lorsque je rentre dans le train, ma seconde journée commence : je m’assois à une table du wagon-restaurant, je commande un café et me voilà dans mon second bureau, un bureau mobile et brinquebalant qui, m’emmenant de Babylone aux bergeries (et inversement), me permet de continuer, dans un autre cadre, à faire la seule chose que je sache faire à peu près correctement – écrire. C’est grâce à tous ces kilomètres que vous pouvez continuer à me lire dans les pages d’

 (je signe d’ailleurs dans le prochain numéro un article sur les relations entre la Suisse et l’Union européenne) et que j’ai eu récemment l’occasion de collaborer avec de nouveaux titres, tels que 

Alors oui, bien sûr, les journées n’ayant que vingt-quatre heures, j’ai dû tout de même concéder certains sacrifices. J’ai ainsi dû démissionner de la direction de la revue 

, la charge de travail étant trop importante. Mais je pars serein car j’ai laissé le titre entre de bonnes mains, celles de mon ami Thomas Hennetier, qui finalise en ce moment la préparation du numéro sur le capitalisme et prépare déjà le prochain, qui sera consacré au thème de l’islam (je crois que j’ai bien fait de partir tiens : c’est plus prudent !). Tous mes vœux de réussite l’accompagnent et j’ai entièrement confiance en la qualité de son travail.

C’est pour les mêmes raisons que depuis l’été dernier j’ai réduit la périodicité d’

, passant de deux à une publication hebdomadaire. Si je me suis interrompu depuis Noël, ça n’a rien d’un renoncement. J’avais besoin de ce temps de pause, cette parenthèse est désormais refermée et je peux dorénavant à nouveau m’adresser à vous. Je ne sais pas si je parviendrai toujours à vous écrire chaque semaine mais je pense continuer à le faire la plupart du temps, et la perspective de me remettre à l’ouvrage ici est pour moi très réjouissante.

Mes articles, ici et dans la presse, ne doivent toutefois pas me faire oublier un objectif que j’aimerais réaliser cette année : publier un nouveau livre. 

Cela fait depuis 2019 que je n’ai plus fait paraître de livre, c’est bien trop long. J’étais il y a quelques jours en compagnie de camarades, qui m’en ont fait la remarque. On m’a dit qu’il arrive, lors d’événements organisés par 

, que des gens viennent s’enquérir de ce que je prépare et s’étonnent de ne pas me voir sur les étals des libraires. Je ne sais pas quoi répondre à ça. Je suis pourtant loin d’être un paresseux, j’écris presque continuellement de sept heures du matin à dix heures du soir. Comment se fait-il que toute cette énergie passe toujours prioritairement dans des articles qu’on me commande et que je ne puisse pas en consacrer ne serait-ce qu’un peu à un projet plus personnel comme le serait un livre ? C’est un blocage mental que je ne m’explique pas. 

« Ça viendra quand ça viendra » m’a dit Alain de Benoist, tout en tirant sur sa cigarette électronique. Facile à dire pour un homme qui a pas moins de 120 livres à son pedigree ! Puis, changeant de sujet, il a enchainé en faisant remarquer à nos amis qu’avec mes cheveux en bataille je ressemblais de plus en plus à Ribouldingue, le plus hirsute des trois Pieds-Nickelés… Je ne sais pas comment je dois le prendre – mais une chose est sûre : je dois me remettre au boulot !

La ressemblance saute aux yeux, j'en conviens.

Février commence mais il n’est pas encore trop tard pour les bonnes résolutions : je vais essayer cette année, dans les heures dévolues à mon wagon-bureau – tandis que défileront par la vitre les horizons du littoral et les reliefs de la vallée – de mener à bien ce projet d’un nouveau livre. Je ne vous dirai rien pour le moment du sujet, si ce n’est que c’est en lien avec une problématique sociale qui me préoccupe depuis quelques années et qui pourrait bien, si rien n’est fait pour calmer le jeu, prendre à l’avenir des proportions très préoccupantes (non il ne s’agit pas du wokisme, encore que ce ne soit pas sans rapport !).

Cela ne m’empêchera pas, je l’espère, de continuer à animer régulièrement ce petit média en ligne et je vous donne d’ores et déjà rendez-vous à la semaine prochaine !

PS : Je dois normalement rencontrer demain Sylvain Tesson à l'occasion d'un de ses rares passages en Suisse. J'avais prévu de vous dire ici quelques mots de cet écrivain pour lequel j'ai la plus vive sympathie mais ce diable d'homme reste injoignable depuis deux jours et je ne suis pas sûr que nous parvenions à nous trouver, ne nous étant donnés en guise de rendez-vous qu'une ville et une date... Qui vivra verra !

En photos : quelques images de ma vallée sous la neige

De retour après quelques semaines de silence

J'étais cette semaine un des deux invités de la Matinale de Tocsin pour parler des résistances à la pensée unique dans le secteur de l'audiovisuel. Vous en avez marre de Netflix et du service public ? Des alternatives existent !

Je me souviens, aux débuts de l'explosion de la bulle internet, d'un média d'opposition en ligne (

 pour ne pas le nommer) dont le slogan était : "Ne critiquez pas les médias - soyez votre propre média !"

Ce principe reste plus que jamais d'actualité, à l'heure où les médias officiels, lâchés par leur public et de plus en plus souvent au bord de la banqueroute, redoublent de crispations dogmatiques, déversant sans état d'âme une propagande déconnectée du réel et appelant sans complexe à censurer toute opinion dissidente.

Quelles alternatives opposer à ce système médiatique en bout de course, et spécialement dans le domaine audiovisuel ? C'est la question que nous posait ce matin Clémence Houdiakova dans la matinale de la web-TV Tocsin. L'occasion pour moi d'échanger avec Romain Maréchal, un entrepreneur audacieux à l'origine d'

, une plateforme vidéo proposant aux Français de voir ce qu'ils ne verront ni à la télévision ni sur Netflix ! Une initiative courageuse que je vous incite à soutenir.

Pour découvrir la plateforme vidéo Epopée

Je profite de cette actualité pour vous signaler que je suis au sommaire du dernier numéro de la revue 

 à l'occasion de la parution d'un dossier consacré aux nouvelles idéologies en train de prendre subrepticement le pouvoir dans les sociétés occidentales. J'y parle de l'imprégnation du wokisme dans les séries, un phénomène de propagande massive d'une ampleur inédite mais qui arrive peut-être à ses limites. Les séries dont vous abreuvent les plateformes de vidéos à la demande sont-elles un divertissement sans conséquence ou un neuroleptique de masse ?

[Vidéo] Quelles résistances dans l'audiovisuel ?

Je signe un article sur Robespierre dans le dernier numéro de la Revue d’Histoire Européenne. L’occasion d’une petite introspection pour me demander pourquoi je suis si fasciné depuis si longtemps par cette figure controversée de l’histoire de France…

David, c’est quoi ton délire avec Robespierre ?

 » C’est la réaction qu’a eue un ami récemment en voyant que je consacrais un énième article à la figure de Maximilien Robespierre. Pas dans les pages de la revue 

, qui m’a fait l’honneur de m’inviter dans le cadre du dossier de 

son numéro de novembre portant sur le thème de la Terreur

. « On serait curieux d’avoir un regard un peu différent sur ce personnage, m’avait dit le rédacteur en chef au téléphone. Quelque chose qui sorte un peu de la perspective à laquelle s’attendent nos lecteurs. » Il faut dire en effet que la 

est un titre de presse plutôt marqué à droite et qu’elle est familière d’une lecture des événements historiques marquée par une certaine sensibilité contre-révolutionnaire. Ce qui n’ôte rien à la rigueur et à l’intérêt des articles publiés, qui sont toujours de haute tenue, comme l’était à l’époque 

Je n’ai jamais caché certaines accointances avec les idées qui furent celles de Maximilien Robespierre. Revendication de justice sociale d’influence rousseauiste, lutte contre la spéculation financière, patriotisme, critique implacable des élites, aspirations démocratiques non dénuées d’un certain populisme, primat politique absolu de la double souveraineté du peuple et de la nation. Un programme aussi révolutionnaire aujourd’hui qu’il l’était hier et dans lequel il m’est difficile de ne pas me retrouver.

J’ai rencontré Robespierre – si je puis dire – alors que j’avais 16 ans et qu’un professeur d’histoire formidable m’ouvrait les yeux sur plusieurs domaines d’études qui ont façonné l’adulte que j’allais devenir et qui constituent depuis ce temps-là des axes fondamentaux de mon existence : l’histoire bien sûr, mais aussi la littérature, le patrimoine, la philosophie, le monde des idées. J’ai à son égard une dette inestimable – et je crois qu’il le sait. La chose est d’autant plus piquante que ce professeur m’a transmis cette fascination pour Robespierre bien malgré lui puisqu’il était pour sa part (et est toujours) un grand admirateur de Voltaire et nourrissait dès lors la plus franche hostilité à l’égard des Montagnards et autres Jacobins. Seulement il savait enseigner et transmettre sans endoctriner, ce qui est tout à son honneur.

A cette époque-là donc j’avais dans ma chambre d’adolescent un grand portrait de Robespierre quand la plupart de mes copains affichaient plutôt des posters de Michael Jordan ou d’ACDC. On est toujours un peu groupie quand on a 16 ans !

Je ne reviendrai pas ici sur les points les plus intéressants de sa pensée politique (pour ça je vous renvoie au 

et aux précédents articles que j’ai pu lui consacrer dans diverses revues) car j’en ai déjà souvent parlé. J’aimerais plutôt dire un mot de son caractère, de son tempérament.

Les coups de cœur adolescents, on le sait, ne sont jamais purement intellectuels, il vient généralement s’y greffer quelque chose de l’ordre de l’émotion. Ce qui me fascinait alors dans la Révolution française, c’est sa dramaturgie, ce en quoi elle ressemblait à une tragédie grecque, le destin historique en lieu et place de l’

 ou de l’arbitraire des dieux. Le drame épique des guerres et des révolutions, qui inspire de si grands romans, de si majestueuses symphonies, des films si vibrants – mais qu’on préférerait ne pas avoir à vivre soi-même !

En quoi le tempérament de Robespierre est-il si fascinant ? Il était surnommé l’Incorruptible par ses contemporains. Le surnom lui est resté car il était justifié : l’avocat d’Arras était aussi imperméable aux tentations qu’indifférent aux menaces. Ses ennemis ont vite compris qu’avec lui ni la carotte ni le bâton ne fonctionnaient ! Dès lors il ne leur restait qu’un expédient : la guillotine – 

Contrairement aux Mirabeau, aux Danton et à de nombreux autres révolutionnaires dont il a été prouvé qu’ils s’étaient laissé corrompre sans vergogne, Robespierre, lui, n’a jamais touché un pot de vin et n’a jamais profité de sa position pour obtenir le moindre privilège. C’est une droiture morale qui forçait l’admiration du jeune homme idéaliste que j’étais et qui continue de m’impressionner. On répondra peut-être que c’est la moindre des choses quand on s’engage pour le bien commun mais je vous propose de regarder autour de vous et de me citer le nom d’hommes politiques exerçant de hautes fonctions dans le gouvernement et n’ayant jamais cédé à cette tentation. Une seule main devrait vous suffire pour les compter !

Robespierre, cet homme qui me ressemble si peu…

Il y a quelques jours, peu après avoir rendu à la revue mon article sur l’Incorruptible, alors que je sortais d’un bon restaurant, le ventre bien plein, en galante compagnie et l’esprit quelque peu embrumé par un vin de qualité, je me suis posé la question : ne serais-je pas finalement, à mon grand dam, beaucoup plus Danton que Robespierre ? Cette pensée incongrue me dessaoula aussitôt.

Qu’on se comprenne bien : en me référant à Danton, le célèbre antagoniste de Robespierre, je ne pense pas, ça va de soi, aux délits de corruption dont il s’est montré coupable, mais plutôt à ce tempérament qui le prédisposait aux plaisirs terrestres. Peut-être les plus sensuels sont-ils les plus faciles à corrompre : nombreux ont été les observateurs à associer la gourmandise de Danton à ses penchants pour la corruption et l’austérité de Robespierre à sa droiture morale, quitte à faire de cette droiture un des moteurs idéologiques de la Terreur. Michelet lui-même écrivait, dans son 

, que Danton « n’était pas assez pur pour haïr le monde ». La chose se discute – mais ce n’est pas l’objet de ma réflexion ici.

En me posant cette question il y a quelques jours et en jetant un regard dépassionné sur la vie que je mène j’ai bien dû admettre l’évidence : j’estime infiniment plus Robespierre que Danton mais par mes goûts et par mes appétits je ressemble bien plus au second qu’au premier.

Au fond c’est assez compréhensible : n’avons-nous pas tendance à admirer davantage les qualités qui excèdent nos capacités que celles qui nous familières ? Pensez par exemple à la forte impression que nous font les grands sportifs : s’ils nous impressionnent tant, n’est-ce pas justement parce qu’ils accomplissent des prouesses qui nous sont inaccessibles ? Nous n’admirons pas les autres parce que nous les estimons être nos égaux mais parce que nous les considérons comme nous étant supérieurs sur tel ou tel point.

Robespierre vivait dans une sobriété exemplaire sur tous les plans. Il ne dépensait presque rien, ne se mêlait pas aux fêtes, coupait son vin avec de l’eau (à la manière des Anciens), se nourrissait de façon plus que frugale, avalant un œuf sur le pouce ou grignotant une orange sur les bancs de la Convention (on raconte qu’on pouvait savoir sur quel banc il s’asseyait en repérant les pelures d’orange !) et vivait dans une chasteté absolue en dépit d’une immense popularité grâce à laquelle il aurait pu, s’il l’avait voulu, multiplier les maîtresses, tant il est vrai que les candidates se pressaient au portillon du club des Jacobins.

 (1909), Hector Fleischmann parle à son sujet d’« un ascendant moral dû à la rigidité de ses mœurs, de ses principes, une attirance que lui mérite cette inflexibilité qui ne compose avec rien », qui fait qu’« à cet homme qui ne va à aucune femme, toutes les femmes viennent ». Autant me l’avouer : cette austérité, ces renoncements, ont toujours été largement au-dessus de mes forces. Que lui y soit parvenu ne peut que renforcer mon admiration pour ce caractère stoïque.

Une partie du rayon Robespierre de ma bibliothèque

La vertu robespierriste : héroïsme ou fanatisme ?

La vertu était le maître mot de Robespierre, elle essaimait non seulement dans ses discours mais il a su la mettre en œuvre dans ses actions quotidiennes. « Nous voulons substituer dans notre pays […] le mépris du vice au mépris du malheur [et] le charme du bonheur aux ennuis de la volupté » déclarait-il le 5 février 1794 devant la Convention. Le problème, voyez-vous, c’est que je n’ai jamais trouvé pour ma part que la volupté fût ennuyeuse !...

Pour les gens ordinaires dont je fais partie (et vous aussi sans doute, chers lecteurs) la vertu est ambivalente : d’un côté elle suscite notre admiration morale (je maintiendrai toujours qu’être incorruptible est une qualité inestimable), de l’autre elle nous effraie un peu, car nous percevons certaines de ses dérives possibles. Lesquelles ont pour nom puritanisme et fanatisme, fruits presque inévitables d’une excessive inflexibilité.

, le premier volet du film réalisé en 1989 par Robert Enrico pour célébrer le bicentenaire de la Révolution, on voit Danton et Robespierre converser, au temps où ils étaient encore alliés. Comme le premier balaie un argument du second en lui répondant qu’il exige trop de la Révolution, le second réplique : « Parce que demander la perfection, c’est trop demander ? Je pense, moi, que c’est le but de la vie. »

Je ne sais pas si la citation est authentique (je n’en ai pas retrouvé la source) mais elle est en tout cas, dans l’esprit, fidèle à la position robespierriste. Lorsque j’avais 16 ans ce type de déclarations m’enthousiasmait, qui correspondaient tout à la fois à mon idéalisme révolutionnaire (il s’agissait de transformer une société pervertie en une société saine et harmonieuse) et au pouvoir quasi-prométhéen que j’attribuais à la volonté. Aujourd’hui je les relis avec une certaine tendresse (on ne renie jamais ses anciennes amours) mais aussi avec un regard beaucoup plus dubitatif. J’ai appris depuis à me méfier des catastrophes auxquelles peuvent nous mener les fantasmes de purification.

Michel Onfray, qui professe depuis longtemps une franche détestation de Robespierre et qui lui fait à mon avis un bien mauvais procès, explique ainsi ce puritanisme périlleux : « Robespierre n’eut jamais de corps. Du moins il vécut comme s’il n’avait ni sexe, ni ventre, ni mains pour caresser, ni bouche pour embrasser, ni peau pour toucher. » (

La Force du sexe faible. Contre-histoire de la Révolution française

, Autrement, 2016, p.11) Ce jugement me paraît exagéré mais il comporte toutefois un élément de vérité : nos conceptions morales (et leurs traductions politiques) étant largement déterminées par notre tempérament, lequel nous est littéralement chevillé au corps, toute idéologie émise par un homme (ou une femme) entretient un rapport étroit avec le degré de sensualité de cette homme ou de cette femme, avec son rapport au monde sensible, et notamment aux plaisirs. C’est une chose dont l’expérience et la fréquentation de personnes très diverses m’ont persuadé.

Gauche hédoniste contre gauche puritaine

Gauche ascétique contre gauche gourmande

) sur l'histoire d’un clivage méconnu qui a traversé et traverse encore toute l’épopée de la gauche française : celui qui oppose les puritains aux hédonistes. C’est une querelle médiatique survenue entre Fabien Roussel, le communiste amateur de bonne cuisine du terroir, et Sandrine Rousseau, la féministe woke végétarienne, qui m’y avait fait penser. Eh bien figurez-vous que l’origine historique de ce clivage n’est autre que l’opposition entre Robespierre et Danton. Le premier ne mangeait que pour se nourrir quand le second organisait de formidables ribouldingues avec ses amis et fréquentait les meilleures tables de Paris.

Les romanciers ont souvent joué de ce clivage et s’en sont donné à cœur joie. Jacques Roujon, dans le roman biographique qu’il consacre à Danton (

, Plon, 1929), lui fait dire qu’il ne veut plus aller dîner chez le ministre Roland parce qu’« on y mange trop mal, leurs rôtis ont la consistance du bois, leurs sauces sont vénéneuses, leurs vins pharmaceutiques ». Romain Rolland, dans sa pièce consacrée au tribun, le présente à plusieurs reprises en train de se moquer du peu d’appétence de son rival pour les arts de la table : « Je n’oblige pas mes amis, quand je les reçois, à la soupe aux herbes de la mère Duplay [en référence à la famille qui hébergeait Robespierre rue Saint-Honoré]. […] Pourvu qu’un homme ait l’estomac mauvais et les sens atrophiés, pourvu qu’il vive d’un peu de fromage et couche dans un lit étroit, vous le nommez Incorruptible, et ce mot le dispense de courage et d’esprit. » Une opposition que l’auteur associe à la géographie : « Tous les pédants d’Arras et de Genève, s’exclame Danton dans une autre scène de la pièce, ne parviendront pas à étouffer la joie qui fermente dans la terre de Champagne, gonflant les bourgeons des vignes et les désirs des hommes ! » (

Ce clivage est resté vivace depuis plus de deux siècles. « Le modèle puritain de l’ascèse s’appuie sur le stoïcisme, le renoncement chrétien à la chair, les figures tutélaires de Robespierre ou de Babeuf » explique Thomas Bouchet dans un passionnant essai consacré au sujet (

Les Fruits défendus. Socialismes et sensualité du XIXème siècle à nos jours

, Stock, 2014, p.49). On trouve quelques belles figures du côté d’une gauche hédoniste souvent marginalisée par l’autre : Charles Fourier et son éloge de la commensalité, Marcel Sembat et sa célébration des fruits de mer, de l’éros et du vin, les joyeux banquets républicains du Front Populaire, Paul Ariès et son 

Je pense aussi, côté suisse, à un homme comme Josef Zisyadis, brocardé par Julien Sansonnens dans son roman 

 (Mon Village, 2014). Les deux hommes ont été camarades du même parti (le Parti ouvrier populaire, un parti suisse d’obédience marxiste-léniniste). Le politicien d'origine grecque, bien connu du public romand, n’est jamais nommé, il apparaît sous les traits d’un personnage fictif, mais on le reconnaît bien derrière le profil très dantonien de cet élu du peuple aux mœurs gargantuesques, fréquentant les plus grands restaurants gastronomiques de la Confédération et se faisant éclater la panse tout en dissertant de justice sociale. Dans la vraie vie Zisyadis, qui avait aussi été en Suisse à l’origine de l’institution de 

, a fini par quitter la politique pour partir diriger un domaine viticole et agro-écologique sur l’ile de Patmos en Grèce. Sansonnens le présente dans son roman sous un jour très critique, laissant entendre que ses options hédonistes et jouisseuses sont peu compatibles avec la lutte des classes. En dépit de la sympathie que j’ai pour l’auteur (comme romancier et comme chroniqueur de l’actualité politique) j’ai trouvé ce portrait un peu injuste et c’est au contraire ce côté bon-vivant qui m’avait souvent rendu Zisyadis plutôt sympathique. Comme pour Fabien Roussel du côté français.

Quel monstre suis-je censé être, moi qui ai tendance à 

comme Zisyadis ? Qui suis schizophrène au point de 

comme Danton ? Cela ferait-il de moi, au prisme des tendances dominant actuellement à gauche, un homme de droite ? Dans un livre qu’il a consacré l’an passé aux rapports de la gauche au plaisir, Michaël Foessel n’est pas loin de le penser : « De nos jours, écrit-il, la défense politique du plaisir a clairement viré à droite, à moins que la droite ne soit devenue voltairienne et dantoniste. » (

, Presses universitaires de France, 2022, p.25)

La gauche et la droite ont pourtant, je crois, peu à voir avec tout ça. Les idées sont une chose, le tempérament en est une autre. Enhardi par mes fantasmes adolescents il m’aura fallu un certain temps pour admettre que je n’étais pas à la hauteur de mon idole de jeunesse, que je ne le serais jamais, que ce n’était même pas la peine d’essayer et qu’à vrai dire ce n’était peut-être pas souhaitable. D’ailleurs, à l’âge que j’ai à présent, Robespierre était déjà mort, emporté par la lame vengeresse de la réaction thermidorienne. J’aurais seulement aimé que sa mémoire ne soit pas perpétuellement salie comme elle l’est depuis plus de deux siècles. Je remercie pour ça mon ami 

 qui, avec quelques rares autres francs-tireurs, entretient fidèlement le souvenir de l’Incorruptible.

Quant à moi… Eh bien plus modestement et sans aucune prétention à marquer mon temps je continuerai d’essayer de m’en tenir à mes principes, de marcher droit et sans faire de concessions inutiles. Mais sans me priver non plus excessivement, sans faire pénitence, sans passer à côté de toutes les grâces que nous offre l’existence terrestre. Ça c’est mon côté Danton… Alain de Benoist, qui vient de fêter ses 80 ans il y a quelques jours, écrivait dans 

, un livre paru l’an passé : « Il y a plus de vérité dans le chant d’un oiseau ou dans la chute de reins d’une jolie femme que dans les crispations verbales des agitateurs impuissants aux gestes saccadés et aux maxillaires en béton. »

Le chant d’un oiseau, la chute de reins d’une jolie femme, le parfum d’une fleur, une sonate, la saveur d’une viande ou d’un fruit frais, le spectacle d’une aurore, un baiser sur le perron d’une chambre, le bouquet d’un vin, l’ivresse d’une danse. Voilà de quoi nous vivons aujourd’hui. La révolution viendra-t-elle ? Nous pouvons l’espérer. Demain peut-être. D’ici là au moins aurons-nous vécu. Et c’est déjà pas mal.

Je profite de l’occasion pour vous signaler qu’

 consacre actuellement un hors-série à Maximilien Robespierre. Un numéro spécial plutôt bien fait disponible en kiosque et que je vous recommande. 

Et pour vous procurer le dernier numéro de la 

Et sinon vous pouvez lire d'autres articles que j'ai consacrés à la figure de Robespierre, notamment ceux-ci :

Robespierre : les angles morts d'une légende noire

Thermidor : le crépuscule de la République

Robespierre : premier avocat des droits de l'homme ?

« David, c’est quoi ton délire avec Robespierre ? »

Alain Lonfat, un vieux compagnon de randonnées et de joyeux banquets que je fréquente depuis plus de vingt ans, a fait paraître l’an passé un recueil de nouvelles, « Contes en clair-obscur ». L’occasion d’un entretien à bâtons rompus.

Il y a des auteurs qui annoncent toute leur vie avec fracas un grand roman qu'on attend toujours et qui ne viendra sans doute jamais (non, je ne parle pas de moi !). Et il y en a d'autres qui écrivent presque clandestinement, à bas bruit, et qui un jour lancent dans le monde un livre à la surprise générale, parce que personne ne l'attendait et que nul ne les savait écrivains. Tu es vraisemblablement de ceux-là. Quelle mouche t'a donc piqué

Tout d’abord, merci pour ton intérêt à l’égard de ce petit livre. Quelle mouche m’a piqué, demandes-tu ? La mouche de la prétention et de la vanité, bien sûr ! Comment sinon prétendre écrire encore de la fiction pertinente dans la pléthore de livres et d’écrivains déjà sur le marché ? N’étant ni reporter, ni témoin de choses extraordinaires, ni l’aboutissement d’un vécu hors du commun, il fallait juste que je me sente digne d’être lu.

J’ai écrit un peu durant mon adolescence et mes études. D’après mes souvenirs, le résultat était mollement mièvre, essentialiste et pas bien passionnant. Peu à peu je me suis dit qu’il était préférable et plus reposant de vivre une vie sans écriture. Vingt ans plus tard, le naturel est revenu au pas de charge, avec l’impression, toute pleine de vanité, que je pouvais écrire des trucs aussi intéressants, finalement, que ce que je lisais parfois dans la littérature contemporaine. Durant ces vingt ans, j’ai eu l’occasion d’accumuler dans ma tête des bribes d’histoires, dont certaines ont perduré jusqu’à aujourd’hui. Des situations, des personnages que je trouvais originaux et assez « fashionables » pour figurer dans une histoire tout à fait lisible et même capable de susciter de l’intérêt et du plaisir. Cela dit, c’est plus la confection de scénarios qui me motive que l’écriture en soi. J’admire secrètement plus Michael Crichton que Gustave Flaubert.

Tu as fait le choix de l'auto-édition. Il y a une raison particulière à ça

Il y en a deux (qui sont tout sauf originales) : ces histoires me tournaient en tête depuis plusieurs années, mais une fois la pandémie de covid arrivée, une fois donc que tous les écrivains amateurs comme moi se sont décidés à se lancer, je sentais que je n’avais aucune chance de trouver preneur parmi les éditeurs traditionnels, et j’aurais dû attendre des mois et des mois avant d’avoir des réponses, plus que probablement négatives. Des nouvelles comme celles-ci sont généralement moins faciles à caser que des romans ou des reportages plus compacts. Bref, je l’ai fait par manque d’assurance et aussi par impatience. Oh, et puis il y a même une troisième raison, puisqu’on y est : la conscience du temps qui passe. J’ai eu mon enfance heureuse, mes années d’études, mes années de vadrouille, ma période de famille et de paternité. Et un de ces prochains jours, comme beaucoup, il faudra bien que j’entre dans mes années chimio, mes années d’amertume et de regrets, mes années de préparation au départ et de transmission. Bref, ce sentiment que, quel que soit le résultat, il fallait essayer, là, maintenant, sans attendre le bon vouloir d’un éditeur.

On devine dans ton écriture certaines influences naturalistes. Même si l'étrange, voire le fantastique, interviennent à plusieurs reprises, tes mises en scène s'inscrivent dans une forme de réalisme un peu ruralisant, régionaliste. C'est d'ailleurs souvent, dirait-on, ce qu'on attend des auteurs romands... On retrouve la région fribourgeoise, les coteaux vaudois, ton Valais natal, les alpages... Y a-t-il de ta part la volonté de donner une couleur locale à tes nouvelles ? As-tu eu des modèles (littéraires ou non) en la matière

Disons surtout que, même si j’ai aussi séjourné à l’étranger, c’est encore là le monde que je connais le mieux. J’ai mis du temps à aimer nos paysages. Nos montagnes, au pied desquelles j’ai grandi avec la sensation fréquente d’en être gavé, alors que je rêvais d’exotisme (je n’ai pratiquement jamais mis les pieds à l’étranger avant ma majorité civique). Mais aussi nos vieilles gares aux salles d’attente puantes, nos campagnes désertes, nos bistrots emplis des blagues éculées des beaux parleurs du village. La Suisse me semblait vraiment peu sexy et tout sauf littéraire : les grandes intrigues, les romans historiques, l’excitation et l’aventure, tout ça se passait ailleurs, Paris, New York ou Tokyo. Pas dans notre ringard arrière-pays. Et pourtant…

, il y a une scène présentant un jeune homme dont le plus grand moment d’émotion fut 

d’observer et filmer un petit sac en plastique virevoltant longuement dans le vent et les feuilles mortes

. J’ai un côté contemplatif assez semblable, je crois. Je me suis mis à admirer les reflets du soleil couchant sur les rails rouillés de nos voies ferrées, les mille lumières de nos usines chimiques, le rouge pétant de nos tracteurs au milieu de champs verdoyants, la lueur d’une torche de raffinerie sur les nuages bas… Bref, j’ai résolu mon complexe du provincial et remédié à ma superficialité en prenant un goût assez pictural et un brin nostalgique à ce pays, pas plus beau qu’un autre, mais pas vraiment moins beau non plus, finalement. Quand j’ai recommencé à écrire, je me suis dit que le chemin que j’avais ainsi parcouru pouvait m’être utile pour inscrire des histoires que je voulais captivantes dans ce terroir qui m’avait longtemps paru à mi-chemin entre ridicule et ennuyeux.

Je n’avais pas de volonté de donner une couleur locale, et d’ailleurs ces décors sont typiques, mais pas toujours clairement définis géographiquement. Mais partir de paysages connus et d’éléments concrets, que j’ai connus avec mes sens, me permet d’ancrer mes personnages. C’est, au final, tout un ressenti que j’ai essayé d’utiliser pour créer les ambiances de ces histoires. L’ambiance est une notion qui m’intéresse beaucoup : créer un décor, un sentiment et faire en sorte que le lecteur y entre. Tu parles de naturalisme. Oui, la nature est très présente dans ces contes, mais c’est finalement ce que les personnages (et donc les lectrices et lecteurs) en voient, ce qu’ils ressentent, qui façonne l’ambiance de la scène. Et c’est ce résultat, cette atmosphère, qui m’intéresse, beaucoup plus que la nature ou les paysages (naturels, urbains, industriels ou autres) en eux-mêmes. Et non, je n’ai pas vraiment de modèle assumé sur ce point-là, si ce n’est le principe même du conte.

Un mot sur le fantastique tout de même, car il est omniprésent, dans ses manifestations sinon dans ses apparences. Une forêt hantée, un avatar de loup-garou semant la terreur lors de ses descentes en ville, une jeune fille spectrale confinée dans un grenier, un ogre retranché dans la solitude d'un bois... Parfois il ne s'agit que de faux semblants, de biais de perception, et parfois le mystère demeure et l'hypothèse surnaturelle reste incontestée. D'où te vient ce goût pour ces créatures mythologiques et comment le concilies-tu à ta démarche naturaliste (si le terme te convient)

Le concept de ce livre est de proposer des histoires à mi-chemin entre contes et enquêtes. Ou plus précisément des enquêtes, avec une ambiance de conte… ou presque. Pour y parvenir, j’ai volontairement adopté quelques poncifs : ogre, forêt, fantômes, bergers, une porte mystérieuse que personne n’ouvre jamais, etc. Le conte nous fait entrer très rapidement dans un monde fantastique, c’est en ce sens un récit très efficace, où l’on prend rapidement ses repères. Cela peut être des lieux, ou des personnages typiques, que l’on peut décrire assez rapidement puisque les lecteurs s’en font déjà une certaine idée. Je creuse simplement un peu ces éléments, les personnages notamment, pour leur donner une raison d’être, un passé et un sens dans l’histoire, afin de surprendre un peu le lecteur. Mon ogre, par exemple, est grand, pervers, égoïste, mais aussi assez tendre, séducteur et esthète à sa manière. Il renie son passé social et devient solitaire. Il est construit en opposition au personnage de l’archiviste, qui au contraire conserve le passé et s’ouvre au monde. Bref, mes personnages quasi mythologiques, comme tu dis, sont des rouages utiles dans la mécanique du récit.

À partir du moment où, comme dit précédemment, c’est plus l’ambiance dans laquelle entrent les protagonistes qui compte, que le décor en soi, ces personnages plus ou moins monstrueux peuvent avoir toute leur place dans des lieux qui n’ont a priori rien de fantastique (une montagne, une banque, une vigne, un centre-ville, etc.). Décrire ces décors de manière « naturaliste » permet simplement, je trouve, de mieux imprégner le lecteur, peu à peu, de l’ambiance du récit. Ça lui donne à sentir quelque chose qu’il peut facilement se représenter ou se remémorer, pour ensuite le faire dériver vers des sensations plus inattendues.

La notion d’intrigue est très présente dans plusieurs de tes nouvelles, dont certaines ont même un petit côté roman policier. Pourtant tu as choisi de les présenter comme des contes (raison peut-être pour laquelle tu les as dédiés à tes enfants – même si je te recommanderais d’attendre encore un peu avant de leur raconter ces histoires-là !). Qu’est-ce qui, dans tes récits, relève réellement du conte ?

Oui, le côté « enquête » est entièrement voulu et fait partie du principe même du livre. Mais de nombreux éléments relèvent du conte. Il y a, comme je l’ai dit, quelques poncifs. J’ai aussi tâché de choisir un vocabulaire simple et connoté. Les personnages ont plusieurs facettes mais ils sont assez emblématiques et identifiables. Ce qui me semble propre au conte au sens large est aussi la manière d’entrer dans le fantastique, cette sorte d’envoûtement qui annonce le début d’une aventure. Dans les contes traditionnels européens, cela peut être, par exemple, la surprise de voir pousser des haricots magiques jusqu’aux nuages, d’entendre subitement un animal parler, etc. Cela peut aussi être la traversée d’un mur pour arriver sur un quai secret dans une gare londonienne. Mais je crois que les moments d’envoûtement qui m’ont le plus marqué sont ceux des films d’animation d’Hayao Miyazaki, notamment le début du 

 (l’apparition des premiers fantômes). Et en décrivant un squelette de vache ambulant dans l’un de mes contes, j’avais en tête l’impression que m’ont laissée les sylvains dans la forêt du film 

. Bien sûr, il y a aussi des contes dénués de fantastique (quoique…) mais l’idée est presque toujours d’entrer dans l’intimité de personnages qui vivent des événements séparés de la marche habituelle du monde. Une sorte de normalité parallèle avec sa logique propre, à découvrir.

Une de nos amies communes, ayant lu ton livre, s'est dit effrayée par le versant un peu sordide de ton imagination. Il y a notamment, dans ta nouvelle 

, l'exposé d'un crime particulièrement sophistiqué et parfait qui ne déparerait pas dans une nouvelle de Roald Dahl ou dans un feuilleton d'Alfred Hitchcock. Comment un bon père de famille comme toi arrive à échafauder des plans aussi tordus

Je pourrais bien sûr répondre qu’en tout bon père de famille sommeille un tueur en série qui ne demande qu’à se réveiller, attisé par l’insupportable bienséance de ses propos quotidien ! Mais ce serait là une réponse très convenue. Permets donc plutôt que je te fasse ici une réponse du type « développement personnel », en te servant deux petites répliques de film (que je cite ici de mémoire, de manière approximative et hors contexte, comme tout bon coach en développement personnel) :

« Je suis ça, ça, ça et encore ça… Je suis un vrai bordel ! » (tiré de 

« Tu as sans doute du bien et du mal en toi, mais l’important est de toujours choisir le chemin du bien » (tiré d’un 

Et voici aussi, pour la route, une citation littéraire maintes fois balisée, de l’éminent Johann Wolfgang von Goethe: « Wir mögen die Welt kennenlernen, wie wir sie wollen, sie wird immer eine Tag und Nachtseite behalten.» (Tu la sens, là, cette énergie en toi qui te pousse à devenir la meilleure version de toi-même ?)

Tout ça pour dire qu’écrire une histoire, c’est aussi être un peu acteur, entrer dans la tête de chacun de ses personnages. Dans cette position, inventer toutes sortes de réactions et choisir la plus sordide ne me semble pas très difficile, on peut toujours faire dans le pire, jusqu’au délire, et un coup d’œil aux faits divers suffit comme source d’inspiration. Dans un registre parallèle, l’humour noir est aussi là pour désamorcer les choses en riant de ses propres défauts moraux, et ce faisant en les exagérant à l’extrême. On peut trouver l’exercice malsain, ou au contraire purificateur, puisqu’à la fin, on prend ses distances avec ses personnages. Question de goût.

 raconte un crime et peut choquer par ses contrastes, notamment sur l’image qu’on se fait des personnages. Le recueil ne s’intitule pas 

 pour rien ! Pour me familiariser avec la narration d’enquêtes, j’ai lu quelques romans policiers (ça ne m’était pas arrivé depuis longtemps), histoire de voir jusqu’où on pouvait aller. À cette occasion, j’ai découvert par exemple l’auteur John Connolly, dont les livres, également teintés de fantastique, sont bien plus sophistiqués que mes modestes nouvelles, et beaucoup, beaucoup plus glauques, malsains et sanglants. Mais ni Connolly, ni Hitchcock, toutes effrayantes que puissent être leurs histoires, ne sont de mauvais bougres, ils jouent simplement avec les limites du possible ou de l’imaginable pour divertir le public et lui fournir des émotions par procuration. Je ne fais rien d’autre, à mon modeste niveau. Du reste, 

 n’est pas vraiment réaliste (mais tant mieux si les lecteurs y croient). Il faut aussi et surtout y voir une métaphore du ressentiment qui perdure et moisit par-delà les générations.

Quelles sont tes références littéraires ? Penses-tu que certains auteurs que tu aimes ont pu imprégner l'écriture de ce livre

Tu l’auras peut-être compris, je suis un littéraire de pacotille. Je ne lis pas énormément de fiction et je finis rarement les bouquins de plus de 250 pages, je m’essouffle avant. Je ne finirai jamais Dostoïevski ni Proust. Mais ça m’a aussi longtemps préservé de bien des Goncourt et bestsellers. Comme quoi la nature fait parfois bien les choses.

Mes références, comme tu l’auras aussi constaté, sont surtout visuelles et cinématographiques. Les époques ambiguës m’inspirent aussi ; ça vient probablement d’une adolescence baignée de jeux vidéo et de jeux de rôles, où le mélange médiéval-futuriste, par exemple, est fréquent.

Il y a néanmoins des sources d’inspiration littéraires : les contes traditionnels, européens ou suisses, bien sûr, notamment pour la concision de leurs formulations, et les romans policiers, dont je reprends très grossièrement la trame. Il y a peut-être (malgré moi) des résidus de descriptions ramuziennes dans mes décors, ou des relents de Maurice Chappaz, même si, pour les moments de béatitude et de beauté, de nostalgie aussi, c’est plutôt Camus (

) et Rudolfo Anaya qui m’ont marqué. Ambiance et nostalgie vont souvent de pair à mes yeux et peuvent provoquer quelque chose d’assez puissant (ce que j’essaie d’évoquer dans ma nouvelle 

). J’ai aussi beaucoup apprécié le célèbre 

The curious incident of the dog in the night-time

, de Mark Haddon, qui décrit génialement le monde d’un point de vue différent, avec des règles propres au personnage principal. Ça reste pour moi un modèle pour décrire et faire comprendre un personnage au lecteur. Quoi d’autre ? J’ai parfois été intrigué par certains vers, concrets, souvent sombres et hallucinés, de Bonnefoy, avec leur rythme bien spécifique ; ça marque peut-être un petit peu mes scènes nocturnes notamment. Et pour l’apparition des petits animaux dans ma nouvelle 

, j’avais en tête le bruit des Djinns dans le célèbre poème du même nom. Voilà en gros. Sinon, je ne vois pas trop quoi d’autre citer, mais j’ai sans doute la mémoire courte.

As-tu de nouveaux projets pour la suite ? Un nouveau recueil de nouvelles en perspective ? Un roman peut-être ?

Là, aujourd’hui, j’ai pas mal d’idées en tête, oui. Idéalement, j’aimerais pondre d’abord un recueil de nouvelles plus longues, plus sombres, proches de l’épouvante, et plus oniriques aussi. Deux de ces histoires sont déjà bien avancées. Ensuite, je pense à un (court) roman de politique-fiction parlant principalement de sport. Enfin, œuvre ultime, un livre pour enfant. Un vrai, je veux dire, avec une histoire qui fasse réfléchir les jeunes lectrices et lecteurs, les envoûte, leur donne une petite leçon de vie qui les accompagnera à nouveau dans les moments difficiles de l’existence. C’est un Graal qui me semble totalement inaccessible aujourd’hui, je n’ai pas la sagesse suffisante.

Bref, mes idées partent un peu dans tous les sens et sentent bon la fraîcheur enthousiaste de l’amateurisme. Mais comme pour mes 

 qui, pour la plupart, ne ressemblent plus trop à ce qu’ils devaient être au début, j’aurai probablement modifié mes ambitions d’ici quelques mois. Pour être plus crédible, disons que mes projets consistent surtout à répartir mon énergie entre mon travail, ma famille, mes amis, un peu de sport et le visionnage de quelques séries télé. Et puis mourir en paix.

Alain Lonfat n’ayant pas voulu me communiquer de photo de lui pour illustrer cet entretien j’ai dû me retrancher sur ces deux portraits réalisés par ses soins via une intelligence artificielle. Au risque de décevoir mes lectrices amatrices d’hommes murs l’honnêteté me pousse à préciser que ces portraits ne sont pas très ressemblants et que l’auteur présente en réalité une allure bien plus jeune.

Alain Lonfat : « J’admire secrètement plus Michael Crichton que Gustave Flaubert »

Pour certains Kissinger fut un partisan de la paix entre les blocs et d’un monde multipolaire. Pour d’autres il fut au contraire un des principaux doctrinaires de l’interventionnisme US et d’une mondialisation à marche forcée sous hégémonie américaine...

La dernière fois que j’ai entendu parler de Henry Kissinger (je veux dire : avant l’annonce de sa mort il y a quelques jours) c’était dans un film britannique de 2016, 

. On y suivait les mésaventures d’un étudiant en sciences politiques d’origine pakistanaise qui, suite à la mort de son père, devait renoncer à ses ambitions universitaires pour reprendre le kebab familial dans un quartier festif de Londres. Pour nous faire passer l’idée de ce renoncement et de ce tournant dans sa carrière, le cinéaste, Dan Pringle, nous le montrait en train de caler le pied d’une des tables de son échoppe avec un volume de Kissinger, qu’il étudiait auparavant en vue d’examens auxquels il ne se présentera pas. Le film évolue ensuite en direction d’une histoire de cannibalisme (le kébabier décide un jour de vendre de la viande humaine de Londoniens ivres) mais c’est une autre histoire qui nous mènerait loin de notre sujet – encore que...

Il est à espérer que pour l’essentiel l’œuvre de Kissinger n’ait à l’avenir d’autre fonction que de caler une table branlante. L’éminence grise de plusieurs générations d’impérialistes américains n’était autre, rappelons-le, qu’un des cofondateurs en 1973 de la sinistre 

 aux côtés de personnalités aussi peu avenantes que Brzezinski et Rockefeller.

Quelques années auparavant, le 27 juin 1970, il parlait en ces termes du Chili lors d’un meeting des 40 Committee : 

« Je ne vois pas pourquoi nous devrions rester là à regarder un pays devenir communiste à cause de l’irresponsabilité de son peuple. Les enjeux sont trop importants pour laisser les électeurs chiliens décider. »

Toute la doctrine Kissinger était déjà en germe dans ces deux phrases : interventionnisme éhonté, déni de la démocratie, paternalisme belliqueux. Appliquée à l’Amérique latine nous avons là, au fond, une simple réactivation de la vieille 

, qui faisait du sud du continent le terrain de chasse privilégié des Etats-Unis.

Mais à faucon faucon et demi… on trouve toujours plus va-t-en guerre que soi ! Francis Fukuyama, le théoricien de la « fin de l’histoire », maître à penser du camp néoconservateur US, reprochait à Kissinger sa tiédeur dans la croisade anti-communiste. Cette « modération » caractériserait dans la géopolitique de la fin de la Guerre froide l’école dite réaliste : acceptation (relative) de la multipolarité et recherche d’un équilibre des puissances plutôt que d’une hégémonie à tout prix.

Kissinger, en effet (il faut au moins lui reconnaître ça, quelles qu’aient pu être les intentions derrière les actes) avait été, dans l’administration yankee, un des acteurs de la phase dite de coexistence pacifique avec une partie du monde communiste (la Chine essentiellement). La photo le montrant aux côtés d’un Mao vieillissant est entrée dans l’histoire comme un tournant majeur de la Guerre froide.

Ce geste avait été critiqué aussi bien par les néoconservateurs américains que par une partie des pays communistes, à l’instar de la Corée du nord. C’était à vrai dire même les deux Corée qui s’étaient inquiétées du rapprochement de leurs mentors respectifs (les USA et la Chine) et Séoul aussi bien que Pyongyang s’étaient retrouvées, pour une fois, d’accord pour critiquer la participation de Kissinger à cette opération de « pacification » – j’en dis quelques mots 

dans mon livre sur les socialismes asiatiques

. Fukuyama, pour de tout autres raisons, décrivait cette attitude comme « pessimiste » 

dans son célèbre essai sur le « dernier homme »

, l’optimisme consistant selon lui à ne jamais accepter, nulle part et en aucun cas, le communisme comme alternative admissible dans quelque pays du globe que ce soit.

Ne nous leurrons pas toutefois : Kissinger ne fut jamais ni un pacifiste ni un partisan de la multipolarité. Cette inflexion très momentanée de la politique internationale était motivée par des considérations purement tactiques et revenait à prendre de l’élan pour mieux sauter, comme on l’a vu dès l’effondrement du bloc de l’Est et à plus forte raison ensuite à partir de l’offensive en Irak et de toutes celles qui ont suivi.

La véritable doctrine Kissinger, derrière le faux nez (obsolète depuis bien longtemps) de la « coexistence pacifique », c’est le bon vieil impérialisme militaire des Bush et des Obama. Celui-là même qu’on retrouve aujourd’hui derrière les menées de l’OTAN en Ukraine, pour ne prendre que cet exemple (il y en a bien d’autres, souvent moins médiatisés). 

Une doctrine qui n’a guère de secret pour Vladimir Poutine, qui partage au moins un point commun avec Kissinger : tous deux sont issus du secteur des renseignements. Dans un livre d’entretiens (

) le président russe se souvient de sa rencontre avec Kissinger, qu’il décrit comme « un petit vieux très curieux » dont on dirait qu’il « dort debout mais en réalité voit tout et entend tout ». Lors d’un trajet en voiture avec l’Américain, Poutine rapporte les propos suivants qu’il lui aurait tenus :

« Vous savez, ma position vis-à-vis de l’URSS m’a valu beaucoup de critiques. J’estimais que l’Union soviétique ne devait pas se retirer si vite d’Europe de l’Est. Notre monde a perdu son équilibre trop rapidement, et ça peut avoir des conséquences indésirables. Aujourd’hui, on me reproche ce point de vue. On me dit : vous voyez, l’Union soviétique s’est écroulée et tout va bien ; et vous, vous disiez que c’était impossible que tout aille bien. Et moi, je pense sincèrement que c’est impossible. […] A vrai dire, je ne comprends toujours pas pourquoi Gorbatchev a fait ça. » (p.92-93 de la traduction française)

Il est possible en effet que durant une période Kissinger ait réellement cru à cette thèse de la cohabitation pacifique. Il est aussi vraisemblable qu’il ait tenu, dans ce jeu-là, le rôle du « gentil flic », celui qui fait semblant d’être empathique et compréhensif pour mieux incarner une alternative au méchant flic (celui qui tape fort sans discuter – ici le complexe militaro-industriel américain) pour obtenir de la part de leur victime, par des voies différentes, le même résultat.

, Alexeï Plouchkov articulait cette prévision en parlant de l’état du monde après la pandémie de Covid-19 :

« Les États-Unis, au lieu de prendre la tête d’un monde affaiblit par la pandémie, vont plutôt se distinguer par leur politique de conflits, d’accusations, de sanctions et d’ultimatums. La nouvelle utopie globaliste d’Henry Kissinger sera donc rejetée par cette réalité – la réalité d’une super puissance nerveuse, en perte d’hégémonie globale et occupée désespérément à conserver ce qu’il en reste. Et dans cette bataille contre une histoire implacable qui n’a pas de fin et a vu la chute de nombres d’hégémons apparemment invincibles, les USA sont voués à l’échec. »

Le moins qu’on puisse dire, c’est que ces trois dernières années ne lui ont pas donné tort !

A un détail près dans l’analyse toutefois : cette fuite en avant brutale et belliqueuse, ce n’est pas un désaveu de la doctrine Kissinger, c’est sa simple continuation sous d’autres formes. Le « globalisme » dont il est question n’a jamais été, dans la perspective américaine, un internationalisme harmonieux et irénique : il a toujours pris la forme d’une mondialisation à marche forcée sous direction yankee. Dès lors, que ce projet prenne le visage du chauvinisme nord-américain ou du 

 ne fait pas une différence fondamentale. Impérialisme et globalisme ne sont aucunement exclusifs l’un de l’autre, ils ont toujours au contraire marché ensemble.

 ne sont-ils pas, même de manière indirecte, une émanation de ce globalisme cher à Kissinger ? Mais ça, il semblerait qu’on n’ait pas le droit de le dire… Pour avoir une fois mentionné, 

 (qu’elle repose en paix), l'activisme et le 

 des réseaux Soros (qui d’ailleurs ne font pas mystère de leur existence), je me suis vu 

soupçonner d’antisémitisme par les « vigilants » de Libération

, avec qui je suis d’ailleurs en procès jusqu’au mois prochain.

Je note à ce propos ce passage éloquent dans le bloc-notes de Christophe Boutin paru dans le dernier numéro du 

« On ne saurait taxer de conspirationnisme Alberto Alemanno, professeur titulaire de la chaire Jean Monnet de droit de l’Union européenne à HEC Paris, qui livre dans une tribune du 

 ses inquiétudes. La fondation Soros a en effet décidé de changer ses axes d’effort en Europe, et veut se concentrer sur les pays candidats à d’adhésion à l’UE en délaissant l’Europe de l’Ouest. Or “l’histoire atteste que peu de fondations ont joué un rôle aussi crucial dans la promotion et le soutien de la société civile européenne que l’OSF”, dont le départ “arrive au plus mauvais moment pour le projet européen qui fait face à l’essor de partis nationalistes et populistes rejetant les valeurs fondamentales sur lesquelles l’UE s’est bâtie. Cette situation laisse échapper ces partis au contrôle exercé par les organisations soutenues par l’OSF.” Il semble bien difficile de nier superbement l’effet qu’ont certaines fondations pour regretter avec de tels cris leur départ… »

M. Alemanno sera-t-il lui aussi l’objet d’une cabale médiatique pour suspicion d’antisémitisme ? J’ai quelques doutes… On a vraisemblablement le droit de reconnaître l’existence, la puissance et l’efficacité des réseaux Soros, à condition toutefois… de s’en réjouir et de trouver ça formidable !

Gardons toutefois l’espoir en un monde qui demain soit radicalement différent de celui que nous voyons lentement décliner aujourd’hui. Un monde où les ouvrages de Kissinger (comme ceux de Soros) ne serviront plus qu’à caler des pieds de table.

Henry Kissinger : le faucon qui jouait à la blanche colombe

Années 1930. Pour la première fois dans l'histoire européenne, des idéologies à prétention nationaliste trahissaient leurs propres nations et leurs propres peuples pour donner leur préférence à des régimes étrangers. Comment expliquer ce phénomène ? 

On aurait tort de voir les fascismes européens comme une simple variante du nationalisme adaptée aux conditions historiques de la première partie du XXe siècle. La rupture avec les nationalismes des époques précédentes est au contraire fondamentale. L’épisode fasciste/nazi semble être l’acte fondateur d'une schizophrénie, encore bien vivace aujourd'hui, poussant ceux qui prétendent défendre leur patrie à la trahir au profit d’une puissance étrangère. L'historien Zeev Sternhell parlait à ce propos d'

un mouvement pour lequel le pays n’est digne d’être défendu que dans la mesure où la patrie s’incarne dans un régime qui lui convient 

 Nous avons là, je crois, la définition la plus claire de ce qui fait la spécificité des fascismes/nazismes dans la manière dont l’ont abordé les nationalismes étrangers : le primat de l’idéologie « nationaliste » sur la nation réelle.

Cette réflexion a été l'objet de ma dernière intervention dans l'émission "Le Plus d'Eléments" sur TVL, que vous pouvez voir ici : 

Pour lire mon article sur le sujet dans le dernier numéro d'

Pour lire un autre article sur certains exemples contemporains de cette idéologie d'un "nationalisme dénationalisé"

[Vidéo] Le crime du fascisme : avoir préféré le nationalisme à la nation

Je vous ai dit il y a quelques semaines tout le bien que je pensais de "Féminicène" de Vera Nikolski. Je voulais ajouter quelques mots encore sur cet essai décapant.

Il y a quelques temps j'étais intervenu sur le plateau de TV Libertés pour présenter aux téléspectateurs de l'émission 

 l'excellent essai de Véra Nikolski sur l'avenir de la condition féminine à l'horizon prochain de l'effondrement de la civilisation thermo-industrielle. 

Philippe Mesnard m'ayant donné l'occasion d'en dire encore quelques mots dans son émission sur Radio Courtoisie, je profite de l'opportunité pour en remettre une couche et vous conseiller ce livre, qui aura décidément été une des bonnes suprises de cette année 2023 !

Pour lire l'article que j'ai consacré à ce livre dans le dernier numéro d'

[Audio] Encore quelques mots sur "Féminicène"...

Ma brochure "Socialismes asiatiques", parue en 2017, a été récemment rééditée. L'occasion de vous offrir quelques bonus en rapport avec mes recherches sur la Chine.