Pierre Salviac
Pierre Salviac

8 octobre 2022

Qui était Jacques FOUROUX

C'était une belle personne. Je vous explique pourquoi?

Salut à tous. Aujourd'hui je vous raconte ma relation avec Jacques Fouroux. Il était le meilleur. C'est la raison pour laquelle la "grande famille" du rugby l'a éliminé...

Il parait que le rugby est une famille. Petite alors. Dans cette famille je ne connais que le frère. Il s’appelle Jacques Fouroux. Nous faisons connaissance un jour d’été 1966 lors d’un seizième de finale entre Cognac et Bègles. Je commente ce match à la radio pour l’émission « Sports et Musique » diffusée sur France-Inter. Je suis ébloui par la performance exceptionnelle d’un lutin inconnu qui joue demi de mêlée pour Cognac. Ce jour-là, il crève l’écran en même temps que ses adversaires. Le lendemain je l’invite à participer à l’émission de sports diffusée par la station régionale de Limoges. Ses pensées du jour sont aussi percutantes que ses percées de la veille. Je tombe sous son charme. Nous commençons une belle complicité qui prend fin un jour d’hiver 2005, quand il succombe à une crise cardiaque. Il a 58 ans.

Par un curieux hasard du destin, notre vagabondage dans le milieu du rugby prend fin en même temps. Je viens à peine de quitter mes fonctions de commentateur pour France-Télévision quand s'achève sa vie de trublion dans cette fameuse famille du rugby qui détourné de lui» Je n’assiste pas aux obsèques de Jacques Fouroux, dans la cathédrale de sa bonne ville de Auch, trop petite pour accueillir toute sa bande de vrais potes et un contingent de vrais faux culs. Dont Bernard Lapasset, encombré de peu de scrupules au moment de l'hommage :

«Je suis effondré. Jacques Fouroux était une personnalité comme le rugby sait en fabriquer. Il était hors normes, excessif, passionné, entièrement tourné vers le rugby. Je retiens avant tout l'image du joueur et du capitaine d'un Grand Chelem historique en 1977, où il avait montré son savoir-faire de meneur d'hommes pour une performance historique, qui fait encore référence presque trente ans après. Je me souviens aussi de la Coupe du monde 1987, au cours de laquelle, en tant qu'entraîneur, il avait mené le XV de France à la victoire face à l'Australie en demi-finale lors de l'un des plus beaux matches de l'histoire du rugby français et même mondial. Ensuite, son tempérament excessif l'avait conduit dans le jeu politique des dirigeants, où il était moins à l'aise. C'est à ce moment-là que nous nous sommes parfois heurtés. Mais aujourd'hui, je retiens le meilleur, l'image d'un homme qui a marqué sa génération. »

Si je manque mon dernier voyage à côté de Jacques Fouroux c’est pour ne pas entendre ce genre de discours d’après-match qui sonne si faux. Un discours aussi inutile que les « bourses du Pape et les seins d’une nonne » pour reprendre à mon compte cette citation de Jean Pierre Rives. Je connais trop Bernard Lapasset, alors président de la Fédération Française de rugby, pour savoir qu’il est le plus mal placé pour parler en bien de son cher ennemi. Pour tant de placages à retardements assénés à celui que la France du rugby affuble du sobriquet de « petit caporal », il devrait être suspendu, au moins. Puisque pendu n’est pas le sort que la famille du rugby réserve à ses champions du double langage.

Jacques Fouroux est le fil rouge de ma carrière de commentateur. La fraternité qui nous unit me donne des privilèges. Je suis souvent le premier informé parce que je suis autorisé à vivre au plus près ses faits, gestes et décisions. Cette proximité me donne aussi des devoirs. A commencer par celui d’être au soutien quand arrive sa première carie. Mais cela m’oblige à un savant exercice d’équilibriste: suffisamment proche pour valoriser le personnage, suffisamment libre pour ne pas réduire ma relation au rôle de porte-parole. En 1968, Jacques Fouroux est sélectionné pour la première fois en équipe de France. Contre l’Irlande, dans le Tournoi des cinq Nations, il doit former avec Jo Maso la charnière de la sélection. Le week-end précédent Jo Maso s'est blessé au cours d’un match de championnat de France. Le comité de sélection décide de le remplacer à l’ouverture par Jean Gachassin. Mais, pour mettre de l’huile dans les rouages de la charnière, les sélectionneurs décident de convoquer à la mêlée Jean-Henri Mir, son équipier de Lourdes. Exit Jacques Fouroux. Viré sans jouer. Une grande première dans le rugby français qui cultive l’art des coups tordus. Le temps passe. J’attends avec impatience que soit donnée une deuxième chance au grand cocu de l’avant printemps 68. Comme Jacques Fouroux, je dois attendre quatre ans. Nous sommes en 1972. Je suis une voix du rugby sur France-Inter. Dans la salle des pas perdus de l’aéroport d’Edimbourg, où l’équipe de France attend le vol qui doit la ramener à Paris, j’interpelle Albert Ferrasse et Guy Basquet. L’un est Président de la Fédération, l’autre Président du comité de sélection. Je leur rappelle que Jacques Fouroux attend une sélection donnée d’une main et reprise de l’autre quatre ans plus tôt. Je leur dis que je trouve insupportable cet injuste traitement. Ai-je autant d’influence que ça? En tout cas, je suis bien le seul journaliste à me faire l'avocat de la cause Fouroux à cette époque-là. Et je dois être un plaideur écouté puisque, quelques semaines plus tard, le nom de Jacques Fouroux apparaît dans une sélection. Les « tontons ma Croûte » de la Fédération ne prennent pas beaucoup de risques. Ce match contre l’Irlande compte pour du beurre. Répondant positivement à l’appel à l’aide de la Fédération irlandaise, boycottée dans le Tournoi par l’Ecosse et le Pays de Galles pour cause de guerre civile en Ulster, la France accepte de jouer à Dublin un match de charité hors Tournoi 1972. C’est une sélection charité également pour Jacques Fouroux, l'intrus des médias qui lui préfèrent Richard Astre sorti en tête devant Max Barrau d’un sondage provoqué par le journal l’Equipe. Dans cette lutte d’influence, j’accepte le combat. Fouroux-Salviac contre le reste de la France du rugby. Ce type de challenge nous plait bien. Nous aimons l’adversité.

Le match est déséquilibré. Fouroux et sa « passe de maçon », son look de « moins que rien » avec les chaussettes échouées sur les chevilles. Astre et Barrau le geste juste, l’élégance des petits princes de l’ovale. C’est loin d’être gagné. Dans ce contexte hostile, Jacques Fouroux doit attendre deux ans avant ses débuts officiels dans le Tournoi 1974 contre le Pays de Galles. Mais quand on lui donne la clé du XV de France, il prend le trousseau. Débutant en mars, il est capitaine en octobre contre la Roumanie à Bucarest. Si le joueur continue d’être discuté, le capitaine, en revanche, fait vite l’unanimité; force du verbe, charisme d’un chef, courage exemplaire. Le « petit caporal » reçoit son bâton de Maréchal lors du Tournoi 1977: Grand Chelem pour le XV de France. Sous sa houlette, le même groupe de quinze joueurs remporte les quatre matchs en ne concédant aucun essai. Même Roger Couderc, d’ordinaire plutôt enclin à pousser dans le sens du vent, finit par trouver des qualités à ce personnage si clivant. Mais si attachant, aussi.

Fin du premier chapitre dédié à Jacques Fouroux. Dans le prochain article je vous en dirais plus sur ce personnage extraordinaire qui a marqué une ère du rugby français.

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par 
Pierre Salviac
Lancé il y a 2 ans

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