David L'Epée
David L'Epée

24 avril 2023 11 minutes de lecture

Contre les diffamations de Libération, Front Populaire me donne la parole

Le moment est venu de révéler les raisons véritables des attaques odieuses lancées contre moi par Libération. Un entretien sur le site de la revue Front Populaire m'en donne l'occasion.

Comme je vous l'expliquais dans ma dernière publication, j'ai décidé d'engager une action en justice contre les trois journalistes de Libération qui s'en sont pris à moi dans un récent article visant à saboter un colloque contre le wokisme auquel je devais participer il y a quelques jours. La revue Front Populaire, à laquelle je collabore régulièrement (je figure au sommaire du dernier numéro, consacré au thème de la dictature des minorités), aurait pu céder à son tour à la pression médiatique et m'ostraciser comme un pestiféré, mais ça n'a pas été le cas. Et à vrai dire je n'en attendais pas moins de Michel Onfray et de son équipe !

Maxime Le Nagard, rédacteur en chef de la revue, m'a posé quelques questions auxquelles j'ai répondu bien volontiers, me donnant l'occasion de préciser les raisons pour lesquelles, en pleine montée du wokisme en France, une telle cabale s'était déclenchée. Cet entretien, publié originellement ici, je le reproduis ci-dessous tout en vous incitant à découvrir le site de cette excellente revue souverainiste.

Front Populaire : Le journal Libération a récemment fait un portrait de vous pour le moins à charge. Quel est le contexte de ce papier ?

David L’Épée : J’avais été invité par le Groupe ID, une émanation du groupe parlementaire Identité & Démocratie — le groupe d’eurodéputés souverainistes au Parlement européen — à participer à un colloque intitulé : « Déconstruire la déconstruction », et qui s’est tenu le 21 avril à Paris. Ce colloque, qui réunissait plusieurs orateurs, proposait une critique de fond du wokisme, ce phénomène plus qu’inquiétant en train de progresser en Europe après avoir incubé quelques années dans les universités d’outre-Atlantique.

Libération étant un titre de presse dont la ligne éditoriale est particulièrement empreinte de cette idéologie woke — c’était d’ailleurs déjà le cas il y a quinze ou vingt ans où on parlait, plus génériquement de « politiquement correct » —, ce quotidien de la bourgeoisie « progressiste » a vu l’annonce de ce colloque d’un très mauvais œil et a donc lancé une opération de sabotage en faisant pression, par articles interposés, sur les organisateurs, leur laissant entendre qu’ils avaient mandaté en ma personne une personnalité sujette à caution et, comme dit l’expression consacrée, controversée. Ma présence parmi les conférenciers les irritait d’autant plus que j’avais déjà été invité précédemment par le même Groupe ID à Bruxelles, où j’avais pu m’exprimer sur le même sujet au Parlement européen, donnant aussi au discours anti-woke une « validation » dont je comprends qu’elle ait pu faire grincer quelques dents.

La pression médiatique a été telle que les organisateurs du colloque ont été obligés de me décommander, tout en m’assurant qu’ils n’étaient pas dupes de ce chantage et qu’ils me conservaient toute leur estime, mon analyse du phénomène woke recoupant en grande partie la leur. Résultat : Libération est parvenu à « canceller » un conférencier à qui on avait offert une tribune pour dénoncer… la cancel culture ! Si on avait voulu me donner raison, on n’aurait pas pu s’y prendre mieux !

FP : À bien lire l’article de Libération, aucun de vos propos n’est cité. Aucun extrait d’aucun livre ni d’aucune conférence. Que vous reprochent-ils ? Manifestement pas vos propos…

DL : C’est là toute l’imposture de ce papier. J’ai écrit deux livres, ai participé à plusieurs ouvrages collectifs, rédigé des centaines d’articles, donné des dizaines d’entretiens et de conférences, et une très grande partie de mes écrits est librement disponible en ligne — sans parler de mes nombreuses interventions audio et vidéo sur YouTube, il suffit de chercher avec un simple moteur de recherche ou via les sites des principales revues auxquelles je collabore.

Par ailleurs, je dispose, en libre accès, d’un site qui archive mes anciens articles papier et d’un autre média en ligne, Au fil de L’Épée, où je publie deux contributions par semaine. Ont-ils lu tout cela ? Qu’ils l’aient lu ou ne l’aient pas lu, le résultat est le même : il n’y avait décidément, dans ces milliers de pages, rien à se mettre sous la dent si l’enjeu était de me faire tomber pour antisémitisme, racisme, homophobie, masculinisme (sic !) ou autre « délit d’opinion » dont sont si friands aujourd’hui les chasseurs de sorcières armés de leur encensoir et de leur carte de presse.

Mes sujets de prédilection, ceux sur lesquels j’écris le plus régulièrement, sont l’histoire du socialisme, la démocratie directe, les questions de sexe et de genre, le cinéma, la littérature et l’érotisme. Il n’en est fait aucune mention dans l’article. Ne pouvant citer un seul mot de moi qui accrédite leur thèse — la seule citation directe concerne une critique que j’ai formulée lors d’un entretien au sujet du travail de sape mené par le multimilliardaire George Soros et l’article en conclut que Soros étant juif, mon antisémitisme était avéré, CQFD ! —, les journalistes de Libération, qui se sont tout de même mis à trois pour pondre ce réquisitoire nébuleux, en sont réduits à me faire un procès par association. On me reproche alors mes fréquentations, des compagnons de route que j’ai pu avoir il y a une quinzaine d’années et dont on est censé comprendre qu’ils ont forcément dû me contaminer, moi qui suis évidemment incapable de distance critique et de pensée autonome ! C’est ce que j’appelle le principe de l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours — et qui est donc forcément un peu plantigrade lui-même !

Ça n’a l’air de rien, mais ce procès par association en dit moins, me semble-t-il, sur moi que sur mes accusateurs. Enfermés dans leur tour d’ivoire germanopratine, habitués à ne fréquenter que des gens issus des mêmes milieux sociaux et partageant une même vision du monde, ils conçoivent très mal qu’à l’extérieur, dans le monde des gens ordinaires, on puisse apprécier fréquenter un large panel de gens, pensant différemment les uns des autres, qu’on puisse aimer débattre — débattre réellement, pas seulement ronronner, paraphraser et répéter chacun la même chose que l’autre — et qu’on puisse même, parfois, contracter des amitiés parmi des gens nourrissant d’autres idéaux ou professant d’autres thèses que les siennes.

À vingt-cinq ans déjà je m’honorais d’avoir un large réseau de connaissance et d’amis, allant de la plus extrême gauche à la plus extrême droite, d’hommes et de femmes issus de toutes les communautés, de toutes les origines, de toutes les religions, et sur ce point je n’ai pas changé : c’est cet éclectisme qui m’a permis de me confronter à l’altérité, de me remettre en question, de progresser, de devenir ce que je suis devenu — et ce n’est, je l’espère, pas fini, la vie étant une éternelle évolution. Bien que Libération me reproche ma proximité passée (et ça commence franchement à dater…) avec des personnalités qui ne sont plus mes amis depuis longtemps et qui me cassent du sucre sur le dos à chaque fois qu’ils en ont l’occasion, ça ne change rien à ce point d’éthique essentiel pour moi : il faut parler avec tout le monde, tout faire pour comprendre l’autre sans postuler a priori qu’il est forcément de mauvaise foi, faire l’effort de comprendre les raisons qui ne sont pas les nôtres afin d’élargir nos perspectives et d’éviter de s’enfermer dans un safe space comme le ferait un vulgaire plumitif de Libération. Je vous recommande à ce propos l’excellent livre du professeur de philosophie André Perrin, Scènes de la vie intellectuelle en France, qui expose avec beaucoup de clarté cette éthique du dialogue et du débat d’idées.

FP : Et vous, que leur reprochez-vous sur le fond et sur la forme ? Problème de déontologie ?

DL : Sur le fond, un manque de rigueur journalistique, des procédés malhonnêtes et une volonté évidente non pas d’informer, mais de m’abattre à bout portant. Sur la forme, des sophismes, des approximations, des contresens et une rhétorique de caniveau qui rappelle méchamment un certain sous-journalisme d’extrême droite, type Rivarol, avec ces mêmes attaques ad hominem, ce même ton ricanant, ce même ressentiment fielleux. La loi est violée sur un point précis, j’y reviendrai, mais au-delà de ça il y a effectivement un énorme problème de déontologie.

La volonté de nuire est patente à chaque ligne de cet article, on essaie d’embrouiller le lecteur par un effet d’accumulation : les épithètes infamantes et les noms sulfureux — vieille technique de la culpabilité par association — créent, au mépris de toute démonstration cohérente, une atmosphère lourde, diabolisante, qui, lorsqu’on lit le papier en diagonale, tend à faire oublier que non seulement les fréquentations « problématiques » qu’on me reproche datent de près de quinze ans, mais qu’en plus, aucune des épithètes auxquelles je faisais allusion ne s’applique directement à moi. C’est de l’enfumage, une forme de « journalisme » par sidération, qui génère un climat médusant plutôt que de livrer un réquisitoire précis, chose qui dans mon cas serait un peu compliquée !

Mais à vrai dire, je ne le prends pas personnellement : s’ils ne se sont pas tout à fait trompés de cible en m’attaquant — je suis bien, comme ils l’ont compris, un adversaire acharné du wokisme —, c’est aussi et surtout la revue Éléments, dont je suis un des porte-parole, qui est attaquée à travers moi. Notre revue, qui fêtera cette année ses cinquante ans, a été en effet dès le début à l’avant-garde de ce combat pour la liberté d’expression et contre les nouveaux censeurs et les nouveaux puritains, et ce à l’époque où le mot « woke » n’avait pas encore fait son irruption dans le vocabulaire des idées. Ça commence à se savoir et on veut nous le faire payer et nous mettre hors d’état de nuire. Mais attention : aujourd’hui Front Populaire fait preuve de la même clairvoyance et du même courage, vous risquez également, bien malgré vous, de susciter ce type de cabales médiatiques !

FP : Vous avez annoncé porter plainte contre Libération. Sur quels motifs ?

DL : Le motif de ma plainte ne porte pas tant sur les calomnies de type idéologique — c’est une malveillance ordinaire à laquelle je suis habitué : on ne peut pas être dans l’opposition et espérer en même temps se voir tresser des lauriers par la presse du système — que sur un point précis portant sur ma vie privée. Libération a franchi la ligne rouge en révélant une information confidentielle concernant un bref séjour que j’ai été contraint de faire l’an passé dans un établissement psychiatrique suite à un problème personnel n’ayant aucun rapport avec mes activités d’auteur : une sorte de dépression post-conjugale pour faire court. Pour un quotidien nous ayant tant bassinés dans le passé avec les théories de Michel Foucault portant aux nues les fous et les aliénés, c’est un peu fort de café ! Cette révélation m’a mis très mal à l’aise, car c’est un épisode de ma vie personnelle que j’assume difficilement et que je ne voulais pas voir étalé sur la place publique. Cela m’a d’ailleurs forcé à en faire la confession in extremis à des personnes très proches de moi qui l’ignoraient afin d’éviter qu’elles aient à l’apprendre par voie de presse ! Cela vous donne une idée de mon embarras et de mon sentiment d’humiliation.

Par ailleurs la divulgation de cette information d’ordre privé vise deux objectifs bien précis : me porter préjudice dans ma recherche d’emploi — ce qui est le cas aussi des calomnies « politiques » : il s’agit dans les deux cas d’effaroucher les employeurs susceptibles de m’engager — et, plus vicieux encore, discréditer mon discours en le mettant sur le compte d’un égarement de la raison, d’une pathologie psy. C’était la méthode utilisée par Brejnev en URSS : le vieux renard avait compris qu’il était plus efficace, en termes de manipulation, d’enfermer certains dissidents dans des hôpitaux psychiatriques plutôt que dans un goulag. Le prisonnier politique peut être héroïsé, peut acquérir une figure de martyr, semer à l’extérieur des graines de révolte qui germeront après lui. L’interné psychiatrique n’inspirera, au mieux, que de la pitié et on ne fera pas de son discours un étendard révolutionnaire, car ce discours sera intellectuellement invalidé par la folie qu’on lui attribue.

C’est précisément la méthode que Libération a tenté d’appliquer dans mon cas. Mais cette fois ils sont tombés sur un os, car si d’autres se sont contentés de faire le dos rond en attendant que la tempête passe, j’ai décidé pour ma part de réagir et de rendre coup pour coup ! C’est la raison pour laquelle j’ai décidé d’intenter une action en justice, pour violation de ma vie privée. Compte tenu du grave préjudice entraîné par cette violation, je ne lâcherai rien avant d’avoir obtenu gain de cause.

FP : Que répondez-vous à ceux qui vous disent que vous vous victimisez et que vous préférez la judiciarisation au débat, etc. ?

DL : Vous plaisantez ? C’est précisément mon goût du débat, de la discussion libre et ouverte avec tout le monde, qui me vaut l’inimitié de Libération ! Je porte plainte non pas contre la publication d’une opinion qui me déplait — je laisse ces procédés-là au camp d’en face —, mais en réaction à un délit, en l’occurrence une violation de ma vie privée. Pour le reste je suis évidemment prêt à débattre avec tout le monde, y compris avec des journalistes de Libé — c’est dire si je suis large d’esprit ! Ce sont les activistes wokes, avec leur cancel culture, leur propension à la censure et à la pénalisation des idées, qui fuient le débat par peur de la confrontation. Comme ils sont, par rapport à nous, en position de pouvoir, via les universités et les grands médias notamment, ils peuvent se permettre de ne répondre à nos critiques que par de simples arguments d’autorité et de nous faire taire dès qu’un de nos raisonnements les met en difficulté. Je suis intimement persuadé que dans le cadre d’un vrai échange démocratique, horizontal, nous l’emporterions largement, ne serait-ce que parce que nous sommes rompus au débat d’idées et à la contradiction, tandis qu’eux ne sont habitués qu’aux tapis rouges médiatiques et à l’adoubement par les puissants du jour. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils se retrouvent si facilement offensés : il suffit que quelqu’un vienne à eux, s’insinue dans leur safe space protégé et sécurisé, et les contredise pour qu’aussitôt ils aient des vapeurs et se sentent mal ! Je me demande d’ailleurs comment ils réagiraient si le rapport de forces était inversé et s’ils se retrouvaient dans ma situation, calomniés par un grand quotidien national, traînés dans la boue sur la place publique, vilipendés pour des opinions qui ne sont pas les leurs et diabolisés par des journalistes qui ne se cachent pas de vouloir les assassiner socialement… Parce que ça, je peux vous le dire, c’est autrement plus brutal que de se faire « mégenrer » dans l’auditorium d’un campus !

La judiciarisation du débat d’idées est précisément un des travers dont souffre le wokisme. Ma démarche est opposée en tous points à la leur : j’essaie de porter au quotidien un idéal de démocratie — j’utilise ce terme précis à dessein, c’est un de mes domaines de recherche et j’ai déjà plusieurs fois écrit sur cette question dans les colonnes de Front Populaire —, laquelle n’est pas qu’un modèle de gouvernement, mais une éthique valable dans la vie de tous les jours, une hygiène intellectuelle fondée sur la liberté d’expression, la tolérance, la confrontation d’idées contradictoires, le débat civilisé. Ce sont des principes que j’ai chevillés au corps et je n’en démordrai pas.

Propos recueillis par Maxime Le Nagard

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