Le Peuple
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17 juillet 2023 8 minutes de lecture

Comment ne pas lire de la fiente 

Ce mois-ci, notre chroniqueur littéraire se penche sur l'œuvre d'Ezra Pound, important poète et admirateur de Mussolini. A-t-on le devoir l'ignorer ?

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Aussi régulier que le Beaujolais nouveau à mi-novembre, chaque été voit revenir les listes de livres à lire sur les plages ainsi que l’annonce de la rentrée littéraire de septembre. Face à cette débauche d’ouvrages que lire et surtout comment lire ? C’est l’occasion rêvée de poser la question au poète controversé Ezra Pound (1885-1972).

Imaginez un amphithéâtre universitaire, un cours sur la poésie, une assistance clairsemée et assoupie. Au milieu de ce ronron, le professeur pose une question pour réveiller les étudiants : « Donnez-moi le nom du plus grand poète du XXème siècle ? » Des têtes se redressent, des mains se lèvent timidement et des langues se délient à tour de rôle. Des noms sont lancés : Paul Valéry, René Char, Louis Aragon, etc. Au milieu de cette litanie d’auteurs convenus, une voix crie : « Ezra Pound ! » Le vénérable professeur se raidit et poursuit son cours. Nous n’avons jamais su quel était à ses yeux le plus grand poète XXème siècle.

Qui est donc Ezra Pound ? Pourquoi une telle gêne lors de son évocation ?

Une vie controversée

Issu d’une famille bourgeoise, Ezra Pound naît le 30 octobre 1885 à Halley dans l’Idaho. Tranchant avec son époque, il se spécialise dans la littérature provençale à l’Université de Pennsylvanie à Philadelphie.

A l’âge de vingt-trois ans, il s’installe en Europe : Gibraltar, Venise puis Londres où il demeure jusqu’en 1920. Pound se place au cœur des grands mouvements poétiques que ce soit le modernisme, le vorticisme ou l’imagisme tout en étant attaché à Homère et Dante ou en redécouvrant la poésie chinoise. Confronté au choc de la Première Guerre mondiale, il commence la rédaction des Cantos qui se poursuivront jusqu’en 1966. Nullement concentré exclusivement sur sa propre œuvre, Pound a à cœur de soutenir et promouvoir de nombreux écrivains contemporains, dont T.S. Eliot, James Joyce et William Butler Yeats.

 En 1924, Pound s’installe à Rapallo, près de Gênes. Entre 1941 et 1943, il réalise plus de trois-cents discours radiophoniques en faveur du régime fasciste de Mussolini. Après la chute du Duce et la proclamation du régime fantoche de la République de Salo, Pound s’installe à Milan afin de continuer ses émissions de propagande radiophonique.

Accusé de haute trahison par le gouvernement des États-Unis, il est arrêté le 3 mai 1945. Il est transféré à Washington, mais étant considéré comme mentalement irresponsable, son procès n’aura jamais lieu. Interné treize ans dans un asile psychiatrique, il devra sa libération à la mobilisation d’Ernest Hemingway et de Robert Frost entre autres.

Pound va passer les dernières années de sa vie en Italie, où il va s’enfermer dans un silence interrompu une dernière fois en 1968 par un entretien avec Pasolini. Il rend l’âme le 1er novembre 1972 à Venise où il est enterré.

L'entretien avec Pasolini, tiré des archives de la Rai.

Les errances idéologiques

Les opinions politiques de Pound, en particulier son soutien au fascisme, suscitent de vives critiques et controverses. Il est important de noter que les convictions politiques de Pound étaient souvent contradictoires et changeantes.

En fait l’auteur des Cantos a exprimé des idées anarchistes dans certains de ses écrits et correspondances. Il critiquait le pouvoir centralisé et les structures de gouvernement, préconisant la décentralisation et la liberté individuelle. Il soutenait également des concepts tels que l'autonomie locale et la primauté des communautés autonomes. On est loin du culte de l’État omnipotent et omniprésent.

Bien que condamné par l’histoire, le fascisme de Pound peut être compris plutôt comme une position esthétique au sens que lui donne Jean Turlais en 1943 : le fascisme « c’est une conception subjective du monde et de la vie, une morale ; c’est surtout une esthétique. Il réside tout entier dans une certaine attitude de l’homme, une certaine manière de regarder les choses. »

Il y a un autre problème avec Pound, c’est son antisémitisme foncier, du moins depuis les années 30. Peut-on considérer avec Mary de Rachewiltz, sa fille, qu’Ezra Pound « a fait des erreurs et (que) nous devons prendre son bon côté, comme il le faisait avec les autres. Il est tombé dans certains clichés antisémites qui sévissaient en Europe et aux Etats-Unis à l'époque » ? Je ne le pense pas. Pound s’est clairement fourvoyé et cela restera une tache indélébile sur son œuvre, mais ce n’est pas notre propos ici.

Tout à gauche, la cage dans laquelle Pound sera enfermé trois semaines après son arrestation, avant d'être expédié aux Etats-Unis. Source: (1999) Ezra and Dorothy Pound: Letters in Captivity, 1945–1946, Oxford: Oxford University Press

Que lire ?

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