Et même que des gens y font sans doute du "team building".
Inutiles pour développer votre business ou vous ouvrir les chakras: mes publications sont un défouloir personnel où il est interdit de montrer de la « bienveillance » et de « croquer la vie à pleines dents ». Rédacteur en chef du journal « Le Peuple » et philosophe de formation, j’y dégonfle des baudruches et vous oriente vers les auteurs que j’aime.
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Il y a une dizaine d’années, alors que je n’avais pas encore produit d’enfants au sein de mon couple hétéro-patriarcal cisgenre, il m’arrivait de jouer aux jeux vidéo les plus violents possibles sur ma PlayStation 3. J’avançais, je massacrais, je décapitais et je passais toujours des moments très riches sur le plan spirituel. Hélas, tandis que cette activité socio-culturelle m’apaisait énormément après mes journées de boulot, survenait parfois un moment d’effroi : mon personnage ne pouvait plus avancer dans le jeu à moins que je ne résolve une énigme dont je me foutais totalement. C’était à ce moment précis que je donnais la manette à ma femme, qui me prêtait son cerveau pour que je puisse me remettre à tuer des méchants au plus vite. Mon épouse a toujours été une femme généreuse, et nous savons généralement bien échanger un peu de son intelligence contre l’expression de mes instincts les plus primitifs.
Puis mon monde s’est écroulé : ce moment que je redoutais tant dans des jeux comme « God of War » est devenu un incontournable des soirées d’entreprise. Lors d’une soirée de novembre, le plus souvent, il s’agissait de passer un moment de « convivialité » - un des termes les plus galvaudés de notre époque – avant d’aller manger dans un restaurant indien pour satisfaire les dames de la boîte qui n’aimaient pas les entrecôtes. Je n’ai jamais compris cette idée : s’enfermer dans un caisson surveillé par un « maître du jeu », généralement un bédéphile chevelu, et tenter de trouver des codes qui nous permettraient de nous échapper en moins d’une heure. La solution, pour chacun de ces jeux, aurait pourtant toujours si simple : ne jamais y entrer.
Ces heures perdues à jamais
Quoi qu’il en soit, le monde est devenu très moche au moment où sont apparus ces cages à hamsters pour entreprises. Je ne suis pas bien vieux, encore, mais j’avais connu une époque où le rapprochement entre collègues consistait encore à planquer des bouteilles dans son bureau, fumer des clopes la moitié du temps et tenir des propos inconvenants. Mais non, désormais, il s’agissait de résoudre des énigmes en collaboration. Est-ce que ces heures perdues, que la Fortune ne nous rendra jamais, n’auraient pas été mieux utilisées en nous bourrant paisiblement la gueule dans quelque troquet?
Je déteste les règles, et à plus fortes raisons quand elles sont sous-tendues par une moraline vaguement communautaire. A ce titre, je reste épaté, après toutes ces années, quand je pense qu’il y a des gens qu’une activité comme les « escape games » passionne. Pas des gens qui prennent leur mal en patience lors des soirées de « team building », non, mais des gens qui authentiquement,apprécient ça. Je peux pardonner à ceux qui y ont vu un bon filon, et qui se sont employés à faire croire à des « chefs d’équipes » qu’un tel programme ferait l’unanimité parmi leurs subordonnés. Je peux également tolérer que des gens se livrent à de telles folies durant leur temps libre, tant qu’ils le font dans la discrétion et dans la honte. Jamais, néanmoins, je ne pourrai pardonner les heures perdues à sauver la planète de l’explosion d’un sous-marin soviétique dans le sous-sol d’une station d’épuration de la Broye.
Quelques images d'une "escape room" que je peux respecter.
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