Raphaël Pomey
Raphaël Pomey

26 juillet 2022

Il y a de l’«appropriation culturelle» en enfer

A Berne, on peut interdire à une personne de s’exprimer sur scène à cause de sa couleur de peau. Mais comment faire face à un tel délire?

 Inutiles pour développer votre business, mes publications sont un défouloir où il est interdit de montrer de la «bienveillance» et de «croquer la vie à pleines dents». Rédacteur en chef du journal «Le Peuple» et philosophe de formation, j’y dégonfle des baudruches et vous oriente vers les auteurs que j’aime.

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Chers amis, Chers camarades,

Je ne sais pas si vous lisez l’allemand, mais vous avez peut-être vu l’histoire de ce concert, à Berne, interrompu dans un bistrot de bobos parce que le chanteur du groupe était blanc. Il faut dire que la formation en question faisait dans le reggae, et donc dans l’«appropriation culturelle» puisque visiblement seuls les noirs ont le droit de jouer ce style de musique. Heureusement, grâce à de gentils inquisiteurs en sarouels, l’ordre antiraciste a rapidement été rétabli, et le concert interrompu. Moins de culture et plus d’intolérance pour un monde meilleur ! Voilà qui fait rêver.

Cela m’amène aux questions suivantes : jusqu’à quand laissera-t-on encore le très leucoderme Orelsan sévir dans le domaine du rap ? Et quid des albums d’Eminem ? On les brûle, c’est ça ? Quant à Terrance Hobbs, du groupe de death metal Suffocation, n’y aurait-il pas quelqu’un pour lui dire de retourner jouer du djembé plutôt que de la guitare pour son public de petits blancs en colère ? Quel statut pour les personnes albinos, aussi ?

On le voit, toutes ces propositions sont plus absurdes les unes que les autres. D’ailleurs, comme Suisse, blanc sauf en cas de coup de soleil, j’aimerais savoir à partir de quel degré de pigmentation j’ai le droit de m’intéresser dignement à des pratiques culturelles plus exotiques que le lancer de la tomme au cumin ? Enfin voyez, moi je joue au basket depuis l’adolescence. Or, quand je me mesure aux gamins sur le terrain de mon bled, eh bien il y a peu de mecs élevés, comme moi, aux taillés aux greubons. Dès lors, que faire, remettre ma chemise edelweiss et tenter le curling ? Désolé, mais je préfère le ballon orange, et les vannes amicales qu’on se balance entre copains sur nos religions respectives, nos cultures, nos tirs loupés. Bien sûr, ça n’intéresse pas beaucoup les élites des quartiers branchouilles de Berne ou Lausanne (trop de masculinité toxique dans le sport), mais il y a là une simplicité humaine et une fraternité dont peuvent toujours rêver les grands docteurs de l’antiracisme.

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Étrange spectacle que celui d’une époque qui se veut multiculti, ouverte et tolérante, mais dans laquelle on peut à nouveau se référer à la couleur de peau d’une personne pour décréter si elle a le droit ou non d’effectuer telle ou telle activité. Cela me fait penser à une citation d’un auteur que j’adore, Nicolás Gómez Dávila, qui écrit que le racisme a fait dire autant de bêtises à ses ennemis qu’à ses partisans.

Je n’ai pas beaucoup de conseils à donner pour lutter contre ce type d’absurdités. Juste quelques expériences : celle d’un catholique qui vit en communauté une fois par semaine avec des gens issus de toutes les cultures, et qui se foutent bien de la couleur de peau du frère dans la foi. Celle d’un père de famille qui regarde si les copains de ses gamins sont polis, pas s’ils ont l’air Polonais. Celle, enfin, d’un homme allergique à toutes les autorités morales d’une époque qui perd la boule.


Orientation bibliographiques:
Nicolás Gómez Dávila, Le réactionnaire authentique, Editions du Rocher, 2005
Nicolás Gómez Dávila, Les horreurs de la démocratie, Editions du Rocher, 2003
Michaël Rabier, Nicolás Gómez Dávila, penseur de l'antimodernité, L'Harmattan, 2020


Que Dieu nous garde,
Raphaël Pomey


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