Raphaël Pomey
Raphaël Pomey

28 juillet 2022

Il y a du glamour en enfer

Vous êtes-vous déjà demandé comment faire pour insulter son propre pays en quelques photos ?

Bienvenue sur mon infolettre 100% gratuite. Rédacteur en chef du journal «Le Peuple» et philosophe de formation, j’y dégonfle des baudruches et vous oriente vers les auteurs que j’aime. Je promets de vous émouvoir, de vous agacer et de vous faire rire.

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Chers amis, Chers camarades,

Il y a quelques semaines, alors que je me rendais en ville d’Yverdon-les-Bains, j’ai croisé une cohorte de réfugiés ukrainiens. Je tenais la main de mon fils cadet et une vieille dame avec une magnifique tresse plaquée au-dessus de la tête nous avait regardés avec un sourire triste qui m’avait bouleversé. Je ne l’ai plus jamais revue ; elle partait prendre le train vers je ne sais quel camp d’accueil.

Je n’ai pas d’avis très fort sur le conflit ukrainien, pas de grande vision géopolitique à proposer dans ce billet. Ce que je sais, en revanche, c’est que la dignité de cette dame, qui m’émeut encore quand j’y pense, jure tout de même terriblement avec la récente mise en scène de son président Volodymyr Zelensky dans les médias. Vous l’avez vu cette semaine, ce dernier s’est fait tirer le portrait avec sa femme Elena pour le magazine de mode Vogue. Des photos à mi-chemin entre l’affiche de Top Gun en 1986 et l’une de ces épouvantables comédies romantiques dont ma femme raffole.

Un peu de dignité

Alors je ne vais pas faire le bourrin qui ironise sur la drôle de guerre qui permet au président d’un pays assiégé de prendre des poses mélodramatiques avec son épouse pour un magazine de salons de coiffure. Ce serait manquer de dignité, tout simplement parce que des gens se prennent réellement des bombes sur la tête et doivent fuir leur pays. Je joue au basket avec l’un d’eux, un grand machin de deux mètres vicelard et marrant qui évoluait en pro chez lui. Enfin, « chez lui », je ne sais même pas vraiment si on peut dire les choses ainsi, puisque lui est un Russe qui vivait chez sa femme ukrainienne. Toujours est-il qu’ils ont dû fuir avec un gamin désormais déraciné, et qui me serre lui aussi un peu le cœur quand je le vois au terrain avec son géniteur.

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Photos: Annie Leibowitz, Compte Instagram de "Vogue"

Mais justement, je me demande ce que peuvent bien penser ces gens d’un président qui se la joue héros malheureux devant l’objectif d’Annie Leibovitz, à 600 kilomètres des zones de combats. Si j’étais Ukrainien, sans doute que je me dirais que ce n’est pas de nature à crédibiliser nos demandes incessantes d’armes et d’argent auprès des pays partenaires. Je me ferais aussi la réflexion, dans les décombres de mon immeuble, qu’il en a bien de la chance, notre nouvelle star, de se livrer à quelques fantaisies glamours tandis que je cherche désespérément à fuir la mort.

Un spectacle qui endort

Tout ça me fait penser à une citation de Guy Debord, un philosophe qui m’avait beaucoup influencé dans mes jeunes années. Il disait que « dans un monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux. » Cela se trouve dans son livre le plus connu, « La société du spectacle », sorti je crois en 1967. On pouvait aussi y lire que « Le spectacle est le mauvais rêve de la société moderne enchaînée, qui n'exprime finalement que son désir de dormir. Le spectacle est le gardien du sommeil. »

Tout sonne faux, tout est malsain, quand la construction médiatique d’un héros de guerre nous pousse à oublier les gens qui, réellement, souffrent. Les choses deviennent carrément immondes quand la première dame Olena Zelenska pose fièrement devant la carcasse d’un avion. La destruction au service de l’ego des puissants, tout un programme.

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Photos: Annie Leibowitz, Compte Instagram de "Vogue"

Si notre civilisation qui se targue d’être parée de toutes les vertus en avait autant que ça, elle n'enverrait pas ses photographes stars immortaliser des baudruches à l’image savamment construite par des conseillers en communication, mais cette dame que j’ai croisée en ville, et que je garde dans ma prière.

Que Dieu nous garde,
Raphaël Pomey


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Raphaël Pomey
Lancé il y a 1 an

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  1. Raphaël Pomey
    Moi aussi ;-)
  2. Patrick
    Je suis d’accord.
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