Raphaël Pomey
Raphaël Pomey

15 août 2022 6 minutes de lecture

On « joue le jeu » en enfer

Méfiez-vous du vocabulaire pour enfants. Il sert à nous faire gober chaque nouvelle dose de servitude.

Inutiles pour ouvrir vos chakras, mes publications sont un défouloir où l'on ne croque pas la vie à pleines dents. Rédacteur en chef du journal «Le Peuple» et philosophe de formation, j’y dégonfle des baudruches et vous oriente vers les auteurs que j’aime.

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Chers amis, Chers camarades,

Il y a deux domaines avec lesquels je suis particulièrement mal à l’aise dans la vie : l’automobile, que je déteste cordialement, et la technologie en général. De cette double malédiction découle sans doute le fait que je me plante une fois sur deux quand j’essaie de connecter mon portable via Bluetooth pour écouter de la musique dans ma petite Citroën.

La problématique ne s’arrête pas là : vu que je suis flippé au volant, il me faut impérativement un bruit de fond, sans quoi chaque son un peu original me laisse à penser qu’un pneu va éclater, mon pot d’échappement tomber au milieu de la route ou le moteur exploser. J’ai le même genre de paniques que les agoraphobes, mais seul dans ma bagnole.

Cette longue introduction pour vous dire qu’il m’arrive d’écouter la radio en voiture (et pour vous inviter à ne jamais m’y rejoindre). Or la semaine dernière, tandis que je me rendais au terrain de basket, j’ai entendu l’émission de radio – de qualité – Forum sur le service public suisse. Il y était question des économies d’énergie auxquelles la population pouvait participer en réduisant le chauffage de quelques degrés à domicile ou en ne laissant pas inutilement des ordinateurs en veille. Enfin, là c’est la version adulte que je vous sers : dans le texte, il était question de savoir si la population était prête à « jouer le jeu » sans menace de taxes supplémentaires. Une épée de Damoclès, vous en conviendrez, qui rend tout de suite la démarche moins marrante qu’une partie de beer pong entre dégénérés mineurs dans une cave du Nevada.

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Les bons et les mauvais jeux


Et je me suis fait la réflexion que plus on rogne les libertés individuelles, plus on les menace avec de nouvelles taxes susceptibles de nous rééduquer, plus il y a de « jeux » à jouer. Il y a un mois, par exemple, il était question dans les informations des médecins généralistes qui devaient « jouer le jeu » en allant bosser aux urgences, visiblement dans un état critique, chez mes voisins français. La faute à qui ? Certainement pas aux nouveaux joueurs semi-contraints. Toujours dans le domaine de la santé, nul n’a oublié les innombrables appels à « jouer le jeu » durant le Covid, en n’embrassant plus nos parents, en respectant les « gestes barrières », en interdisant à nos gamins d’aller s’amuser dehors avec un ballon. Il y a les bons et les mauvais jeux.

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Qu'est-ce qu'on riait en ce temps-là!

L’objet de cette newsletter n’est pas de discuter de chacune de ces mesures. Je ne suis un spécialiste ni en énergies ni en santé publique, pas même un père de famille responsable. Je suis simplement un beauf un peu milieu de gamme qui trouve étonnante la manière dont les personnes qui sont payées pour nous diriger, à chaque fois qu’elles ont une tuile sur les bras, nous demandent de « jouer le jeu ». Même d’ailleurs quand la situation de crise résulte de décisions politiques catastrophiques (et là j’entends les lecteurs de droite compléter : "comme sortir du nucléaire il y a dix ans"). Le point important est le suivant : le virage ludique de la communication de nos zélites actuelles révèle la collision entre leur nullité et leur autoritarisme.

Moi, je pourrais comprendre que l’on me demande de « participer à l’effort collectif », par exemple. Le message est clair et c’est plus délicat à l'oreille que l’idée d’une « mobilisation générale », par exemple, qui sonne plus militaire. Sans parler de l’« effort de guerre », beaucoup trop viriliste pour mes chastes oreilles de recrue virée pour dépression chronique (alors qu’on ne me demandait pourtant même pas de conduire un camion). Mais enfin, quoi qu’il en soit, toutes ces expressions avaient au moins l’intérêt de s’adresser à des adultes, et non pas à des enfants.

C’est un truc qui m’a toujours étonné. A chaque fois que le peuple vote mal, c’est-à-dire à droite, il se trouve toujours une batterie d’experts pour venir nous expliquer le soir même, sur les plateaux télés, qu’un « effort de pédagogie supplémentaire » est nécessaire. Et, sans doute trop habitués à « jouer le jeu » le reste de l’année, les auditeurs de droite ne bronchent pas. Il m’arrive de voter à gauche, d’ailleurs, mais jamais parce qu’une maîtresse m’a appris à bien lire les documents qu’on m’envoie. L’école, c’est derrière moi, merci bien.

Squid Game en version réelle


Il y a deux ans, une série a bien illustré la réalité du jeu auquel nous sommes tous invités à jouer quand on n’est pas né riche : Squid Game. Une magnifique métaphore de notre société, que les bien-pensants de droite n’ont pas voulu regarder car trop violente, et les bien-pensants de gauche parce que diffusée par Netflix (c’est-à-dire un truc qui ne me suce pas d’impôts). On y voyait des gens de ma classe sociale, en Corée du sud, contraints de risquer la mort violente au terme de jeux pour enfants afin d’avoir une chance de payer leur loyer ou leurs frais de santé. Le cadre était parfaitement égalitaire et même que les participants jouissaient de droits démocratiques défendus par les armes.

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Je ne suis pas un grand spécialiste de séries, mais je sais que certains ont regretté le côté trop manichéen de l’anticapitalisme de la série. Ils ont peut-être raison. Reste qu’avec ses couleurs fluos, ses jeux grotesques et sa régression élevée au rang d’art de vivre, le monde de Squid Game ressemblait beaucoup à celui qu’on met en place pour les mauvais élèves, de gauche ou de droite, que nous sommes, quand on n’a pas des tonnes d’argent.

Lorsque sur une plage, on fait appel au « fair play » des usagers pour qu’ils ne sabotent pas l’après-midi de leurs congénères avec une boombox, il n’y a rien desympatoche. Cela signifie qu’on a pas voulu payer quelqu’un pour garantir la tranquillité des lieux. Lorsqu’une classe politique demande à toute une population de « jouer le jeu » sur le plan énergétique, c’est qu’elle ne veut pas avouer qu’elle a pris des décisions stupides. Lorsqu’un démarcheur vous appelle « jeune homme » ou « mademoiselle » près de la gare, c’est qu’il est payé pour vous escroquer sous prétexte d’une bonne cause.

Refusez de « jouer le jeu » comme Boris Vian refusait d’aller à la guerre. Allez construire une cabane dans les bois comme Henry David Thoreau. Recourez aux forêts comme Jünger.

Et apprenez-moi à brancher mon portable sur la bagnole.

Orientations bibliographiques :

-Henry David Thoreau, Walden ou la Vie dans les bois, 1854
-Ernst Jünger, Traité du rebelle, ou le recours aux forêts, 1951

Que Dieu nous garde,
Raphaël Pomey


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