Raphaël Pomey
Raphaël Pomey

17 octobre 2022 6 minutes de lecture

Afida Turner, notre reine

Elle chante en playback, fait le pari d’une vulgarité infinie, mais sauve le monde et l’univers en bas résilles. Honneur à toi, déesse éternelle du Loft 2.

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Chers amis, Chers camarades,

Maintenant que je vous ai dit tout le mal que je pensais de Netflix, dans mon dernier billet, il est temps de passer aux aveux. La téléréalité, la vraie, me manque. Pas celle où les gens doivent faire semblant d’avoir un quelconque talent pour la cuisine, le chant ou la danse, je veux parler de la pure et dure, celle de M6 : Loft 1, 2, Colocataires, Pensionnat de Sarlat, Pensionnat de Chavagne : ces programmes où on enfermait des gens parfaitement creux et désespérés dans une grande maison, et où on les observait cohabiter comme les souris dans les expériences qui font pleurer Brigitte Bardot. Quelle idée de leur avoir fait visiter Las Vegas ou Dubaï, dix ans plus tard ! Comme s’il n’y avait pas assez de vide en eux pour qu’on leur ajoute encore les néons de la nouvelle Babylone. Quelle idée, aussi, de leur faire tenir une ferme sur TF1, alors que le sens de ces émissions était précisément de les transformer en animaux de compagnie, ultimes avatars des Tamagotchi de notre adolescence. M6 est l’unique chaîne française à avoir jamais compris le principe de la téléréalité. Et encore, l’espace de 3-4 ans. Après on s’est pris M. Pokora et des gens qui nous aidaient à acheter des maisons.

J’ai la nostalgie d’un certain nihilisme.

Tamagotchi GIF - Find on GIFER

Servitude volontaire, façon années 90.

Loana, Vierge inversée

La première personnalité à m’avoir réellement ému dans ce type de programmes est évidemment Loana. Une jeune femme sans nom de famille, comme tous ses camarades du Loft, donc sans passé, sans culture et sans héritage, mais avec des gros seins. Un programme politique à elle seule. Autrefois, ce genre d’individus, surtout les messieurs (c’était un temps très lointain où on trouvait des dames et des messieurs), pratiquaient la boxe, s’affrontaient jusqu’à la mort pour tenter d’obtenir un destin. C’était complètement injuste, évidemment, puisque les fils de bonnes familles n’en avaient pas besoin, mais par le tragique, certains pouvaient devenir des figures quasi mythologiques : Thomas Hearns, Marvis Hagler, Mike Tyson, Muhammad Ali…. Les premiers ébats de lofteurs dans une piscine n’ont sans doute pas atteint le même niveau de dramaturgie que les affrontements de ces boxeurs, mais ils ont aussi sûrement détruit des vies.

Les meilleurs moments de la téléréalité en gifs réunis sur un site

Adam et Eve eurent le jardin d'Eden, Jean-Edouard et Loana se contentèrent d'une piscine.

Loana fit s’écrouler notre belle humeur de millenials quelques mois avant les terroristes qui s'en allèrent percuter les tours de New York : c’était par elle que le vide devait s’imposer sur la terre, et c’est une des grandes fiertés de notre civilisation d’avoir été, là encore, à la pointe. Elle fut la Vierge contrariée du monde qui se mettait en place, où ne devaient plus régner que le fun, la transparence (qui se souvient que le Loft comportait un « confessionnal » ?) et la cruauté. C’est cette cruauté, sous ses airs compatissants, qui nous impose aujourd’hui de la voir bouffie par les substances sur nos écrans tous les six mois, et désormais bisexuelle (1). Tout cela en attendant le jour où elle enregistrera un album de reprises de Renaud, ou chantera en duo avec lui.

Avant de passer à la suite, on s'abonne ici:

Loana a été la reine d’un monde qui, étrangement, me manque un peu. Nous avions 18 ans, rien n’avait de sens mais nous pouvions rire. Le punk à roulettes avait la cote, Pennywise et Leftöver Crack faisaient peur à nos parents, je connaissais encore le nom des joueurs de foot. Même les ceintures à canevas qui soutenaient nos jeans trois fois trop grands me manquent.

Nous avions vingt ans, Loana n'avait pas encore la sangle abdominale de Maïté, notre monde allait mourir.

Afida carries the torch

Vingt ans plus tard, que reste-t-il de cette période magnifique ? Le groupe Blink 182, bande son de l’onanisme de ma génération, a certes ressorti un titre avec son line-up historique, mais c’est bien maigre. Surtout, hélas, mille fois hélas, les chaînes de télévision n’ont plus le même courage au moment de nous abrutir, et tentent désormais de recourir à des subterfuges pour nous déculpabiliser. On nous sort le pianiste de génie sorti de sa banlieue sordide, le néo-nazi devenu poète non-binaire et on fait même gagner un concours de chant de temps en temps à une famille catholique pour tenter de nous montrer que, non, l’Occident n’est pas en décomposition ou la France au bord du gouffre. Je trouve que cela manque de saveur, un peu comme un pot-au-feu sans os à moelle ou un cirque sans nain. Tant qu’à faire de la télévision, faites-la vraiment et mettez-nous des abrutis, des vrais, dedans. Pour les génies, on saura les trouver dans nos bibliothèques.

Belle femme, polyvalente.

Heureusement, il y a des gens qui ne baissent pas la garde, comme Afida Turner. Depuis quelques jours, le PAF halluciné tente de récupérer de sa prestation magistrale dans une émission de C8 où, si j’ai bien compris, les invités répondent à des questions bourrines posées par un bonhomme qui ne gagnerait pas à la baston contre Joe Biden. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la belle continue à prendre la lumière avec l’assurance d’Aurélien Barrau devant une entrecôte de bison. Pour ceux qui ne se souviennent pas de la tigresse, on peut dire que c’était la Loana du Loft 2, summum de vulgarité saupoudré d’un subtil mélange de Jean-Claude Van Damme et Tabatha Cash (pour les connoisseurs). C’est peut-être dit un peu crûment mais ce n’est pas une raison de nier sa fierté de prolo : parce que voyez-vous, sachant qu’une somme colossale l’attend au décès de sa belle-doche, la belle pourrait tout aussi bien attendre son tour et se la jouer peinard. Mais non, pas le genre de la maison. Alors elle chante pour gagner sa vie, inlassablement, professionnellement, aussi sûrement que le soleil continue de se lever. A moitié à poil comme il se doit quand on n’a guère de talent, certes, mais qui sommes-nous pour juger ? Son squat reste très profond dans ses chorégraphies, la bande de cuir qui lui ravage le fondement semble particulièrement désagréable et madame fait sourire les internautes. La jeune femme qui, jadis, servait dans un Buddah Bar (authentique) n’est pas si loin et, à 45 ans, elle vit simplement sur son personnage, comme Sandrine Rousseau ou Léonore Porchet.


Une dernière Peña Cum Cum pour la route

Je crois que mon intérêt résiduel pour les figures les plus déglinguées des années 2000 n’est pas pour ravir mon épouse. Par exemple, même après tout ce temps, je n’arrive pas à lui faire danser la Peña Cum Cum de Félicien, cet autre génie du Loft 2. Ma femme me reproche, à moi qui souffre du manque de beauté dans le monde, d’accorder de l’importance à des manifestations évidentes du déclin de notre civilisation. Elle a peut-être raison. Reste l’honneur dû à celles qui, inlassablement, vont au mastic, sortent des titres pathétiques et dansent en body. On peut rire d’elles, on peut ironiser sur leur carrière et leur reprocher de ne pas avoir étudié le grec ancien. 

On peut faire tout cela. Mais on peut aussi leur reconnaître la dignité de bosser, avec ce que la Providence leur a donné, même quand elle s’est montrée chiche. Afida, Loana, priez pour nous qui nous languissons de nos vingt ans.

(1) « Je veux quelqu’un à mes côtés, pas forcément un homme (...) Je veux tomber sur un coup de cœur et je peux avoir un coup de cœur pour les deux. Il ou elle, je veux quelqu’un de bien et être bien avec cette personne », a-t-elle récemment déclaré à Voici.

Que Dieu nous garde,
Raphaël Pomey


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  1. Raphaël Pomey
    Clairement.
  2. Pepito
    Afida the goat :D
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