Vincent Laarman

9 mai 2023 4 minutes de lecture

Le visage de Jordan Peterson

Un but pour la vie : finir avec une allure pareille

Bonjour à tous,

Pour 250 francs suisses hier soir, vous pouviez vous faire photographier avec Jordan Peterson, après sa conférence à Genève.

Cela ressemblait à une arnaque à l’américaine.

Mimer l’amitié ainsi, n’est-ce pas atroce ??

Quel sens de prendre une photo bras dessus-bras dessous, avec quelqu’un qui ne connaît rien de vous, pas même votre nom ???

C’est le sentiment poisseux que j’ai ressenti (car, après hésitations, j’ai payé…) en me faisant photographier avec lui.

Et puis j’ai vu la photo publiée ce matin sur Flickr :

Quelle bonne surprise.

Quelle émotion, quelle joie, quel honneur pour un homme de mon âge d’être représenté ainsi avec sur mon épaule la main paternelle d’un homme au visage de prophète ou carrément (est-ce que j’ose ?) de Dieu le Père Lui-même.

J’ose le dire

Hé bien oui, j’ose le dire.

J’admets éventuellement que, sur cette photo avec moi, Jordan Peterson a encore l’air humain. Il ressemble au prophète Abraham, du moins l’idée que je m’en fais.

Il a le visage d’un vieillard magnifique, buriné par la souffrance volontairement acceptée. 

Le visage de l’homme qui s’en est vraiment pris plein dans la gu***, mais qui a refusé de plonger dans les gouffres amers du pessimisme, du cynisme et de la résignation.

Le visage de celui qui a osé affronté des dragons en les regardant en face, sans se réfugier dans le déni, les petits mensonges et les faux-fuyants.

Le vieux combattant couvert de cicatrices qui, tel Hercule, a survécu à toutes les épreuves que le destin lui a envoyées, parce qu’il a accepté de combattre en y mettant tout ce qu’il avait.

Sa barbe et ses cheveux sont blanchis par des années d’épreuves physiques et morales. Il semble avoir 75 ans, alors qu'il n’en a que 60. 

Mais il ne fait pas pitié.

Il n’est pas maladif.

C’est un chêne noueux, qui plonge ses racines jusqu’en enfer tandis que les boucles de ses cheveux évoquent les nuages haut dans le ciel.

Il émane de son visage une force indestructible, celle de la Sagesse qui ne mourra pas quand il disparaîtra, parce qu’il a été chercher le trésor, l’anneau, au fond de l’abîme, qu’il l’a rapporté à la surface, l’a exposé au monde et l’a transmis, autant qu’il le pouvait, autour de lui.

Il a accompli son devoir.

Quelles que soient ses failles, Jordan Peterson incarne superbement le père, et c’est pourquoi je suis si heureux d’avoir cette photo, que je vais faire tirer et encadrer pour la mettre quelque part chez moi, dans un endroit privilégié.

Henri IV faisait la même chose

C’est en effet une vieille tradition que de mettre chez soi un portrait de soi-même avec quelqu’un que l’on admire, même si cette personne ne vous connaît pas, ou même s’il s’agit d’une figure imaginaire.

Ainsi le tableau ci-dessous, que vous pouvez contempler, parmi tant d'autres, au Palais du Louvre.

C’est un immense tableau de Pierre-Paul Rubens qui représente le Roi Henri IV accompagné de la déesse Athéna, et couvé du regard par Jupiter et Junon, les dieux des dieux !!

Peter Paul Rubens, The Presentation of the Portrait of Marie de’ Medici, c. 1622–25, oil on canvas, 394 x 295 cm (Musée du Louvre, Paris; photo: Steven Zucker, CC BY-NC-SA 2.0)

Au Moyen-Âge, les gens qui en avaient les moyens se faisaient peindre sur des tableaux en présence de saints, prophètes, martyrs. Les plus riches se faisaient représenter avec la Sainte-Vierge et Jésus, par exemple le tableau du 14e siècle ci-dessous.

Crucifixion de Giovanni di Paolo avec le donateur Jacopo di Bartolomeo, nommé dans l'inscription et avec son blason à gauche

Le deuxième personnage en partant de la droite est un certain Jacopo di Bartolomeo. Il vivait à Sienne (Italie) et c'est lui qui avait commandé le tableau. Il n’était évidemment pas là le jour de la Crucifixion.  Il est nommé dans l'inscription avec son blason à gauche.

Je ne vous donne que deux exemples mais c’est un phénomène que l’on retrouve tout au long de l’histoire de l’art.

Il traduit le besoin très profond que nous avons de nous imaginer au contact de personnes ou figures que nous admirons. Sur le plan psychologique, cela nous aide et nous stimule à nous conformer à ces modèles, de façon à ce que les choses évoluent dans ce sens, dans la vraie vie.

Ces représentations vous permettent de revivre, en pensée, l’expérience que vous avez pu avoir quand vous avez eu la chance, comme ce fut mon cas hier soir, de voir la personne en chair et en os.

En effet, j’ai été marqué par sa posture virile et la force de sa voix, malgré la terrible maladie qui a failli le tuer il y a peu. Je ne m’y attendais pas. Je le croyais usé. Cela m’a fait forte impression et je suis sûr que ce souvenir va m’influencer désormais, chaque fois que je suis tenté de courber les épaules, de me rétracter devant les épreuves.

Une autre photo de Jordan Peterson

Voici une autre photo de Jordan Peterson prise hier soir (avec une autre victime du marketing). Elle me paraît encore plus belle que la mienne.

Il n’y a aucune retouche. C’est le flash de l’appareil photo qui donne cette impression que ses yeux sont allumés.

Franchement, il est rarissime de tomber sur un visage pareil. Pour moi, cela tient du prodige, du miracle.

Je trouve en plus le contraste extraordinaire entre sa tête qui semble peinte par Michel-Ange pour le plafond de la Chapelle Sixtine, et le sourire radieux de cette femme juvénile que reconnaîtront la plupart des lecteurs de Comprendre.

Elle ressemble à l’héroïne d’un conte initiatique d’autrefois, qui serait arrivée au bout de sa quête grâce à ce vieux Poséidon qu’il l’a protégée, à son insu, des dangers qu’elle a traversés souvent inconsciemment. Son visage est désormais apaisé et lumineux. C'est sa récompense.

En termes d’allégorie, les peintres italiens de la Renaissance ne faisaient pas mieux !

Alors vraiment, merci pour elle, et merci pour nous tous, cher Jordan Peterson.

Vincent

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Vincent Laarman
Lancé il y a 1 an

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