Vincent Laarman

12 mai 2023 16 minutes de lecture

Mes idées politiques

et leurs incohérences

Bonjour à tous,

"Ce ne sont pas les hommes qui ont des idées ; ce sont les idées qui ont des hommes," a dit un jour, très puissamment, Carl Jung.

Je ne fais pas exception à la règle et toutes les idées que j'ai dans la tête m'ont été transmises, comme des virus, au hasard de ma vie aléatoire et des rencontres inopinées...

  • Né en 1976, et non sous Charlemagne, il était logique que je sois plutôt démocrate, et non pour un système tribal, féodal ou monarchique ;

  • Né dans un pays occidental, plutôt qu'en Afghanistan, il était logique que je me sente plus proche du christianisme et des Lumières que de l'Islam ou de l'animisme ;

  • Ayant suivi les programmes de l'Education nationale, il était logique que je me réjouisse des bienfaits de la Révolution française, contre les seigneurs qui chassaient sur les terres des paysans et dévastaient les moissons ;

  • Ayant reçu des mains d'un cousin, à l'âge de 19 ans, lorsque se fixent naturellement les premières opinions politiques, un livre de Friedrich Hayek, il était logique que je sois en faveur du droit de propriété, de la liberté d'entreprendre, de l'économie de marché.

Par la suite, cet intérêt pour Friedrich Hayek, qui est décrit par les journalistes comme un théoricien de l'ultra-libéralisme, m'a valu bien des problèmes et des critiques.

Mais de quoi s'agit-il exactement ?

La vérité est que peu de personnes ont lu Friedrich Hayek, dans le texte. Pour ma part, j'ai lu tous ces livres, en français, mais aussi dans leur langue originale, en général l'allemand, mais aussi l'anglais parfois.

Quelques mots au sujet de Friedrich Hayek

Friedrich Hayek est un économiste autrichien du 20e siècle, certes prix Nobel d'économie, mais pour des travaux sur les cycles monétaires qui n'ont rien à voir avec ses écrits les plus importants, qui sont développés dans sa sommes "Droit, Législation et Liberté" publiées en trois volumes en 1973, 1976 et 1979, qui est un ouvrage de philosophie sociale, et non d'économie à proprement parler.

Il avait subi la catastrophe de l'hyperinflation dans l'entre-deux guerres et du totalitarisme en Allemagne et à l'Est.

Effrayé par ces désastres humains et économiques, il estimait que les gens avaient été forts naïfs de penser que, en donnant suffisamment de pouvoir aux gouvernants, ceux-ci allaient pouvoir instaurer le paradis terrestre.

Au contraire, après avoir bien étudié l'histoire, il en était venu à la conclusion que les seuls pays où les choses se passaient à peu près bien était ceux où les gens avaient certaines traditions (un minimum de respect les uns pour les autres) et surtout un système de lois cohérent et fonctionnel.

Sans des lois qui permettent à chacun de savoir ce qu'il a le droit de faire, et de posséder, impossible de faire des plans, de se projeter dans l'avenir.

Les pays prospères sont donc ceux où les hommes d'Etat sont occupés à faire voter de bonnes lois, conformes au consensus de la population sur ce qu'est la justice. En dehors de cela, l'Etat ne peut pas faire grand chose pour améliorer la situation.

Malheureusement, comme ce système est toujours imparfait et compliqué à mettre en place, les populations souhaitent, exigent même que les hommes d'Etat interviennent directement dans leur vie. L'idée est toujours la même : "Prenez aux riches et donnez aux pauvres".

C'est une idée qui serait fantastique, ne serait-ce que par sa simplicité et son caractère moral évident. Le problème, déplore Friedrich Hayek, est que ça ne marche pas du tout aussi bien que l'on ne pourrait l'espérer.

Le problème des redistributions

En effet, quand les responsables politiques commencent à intervenir pour prendre à ceux qui ont trop et donner à ceux qui n'ont pas assez, les gens ont vite fait de comprendre comme se mettre dans la "bonne catégorie" (ceux qui reçoivent...).

Commence alors une surenchère entre les politiciens qui n'ont pas d'autre choix, pour être élus, que de promettre plus à toutes les catégories possibles et imaginables de "victimes" réelles ou supposées. C'est le seul moyen en effet pour eux d'obtenir la majorité des votes, et rester au pouvoir.

Se multiplient alors les projets, les promesses, les allocations de toutes sortes, car le monde est ainsi fait qu'il y a toujours des nécessiteux, des malchanceux, des démunis, que le système n'avait pas réussi à protéger.

Les impôts ne font qu'augmenter, la colère monte, et les dirigeants qui n'ont pas le choix se mettent à emprunter. Mais bientôt, il faut payer les intérêts des emprunts, ce qui aggrave la pénurie. On fait alors tourner la planche à billets pour compenser. La monnaie perd de sa valeur, les prix montent, les classes moyennes se retrouvent déclassées.

Mais pendant ce temps, le nombre de pauvres (bénéficiaires des aides), lui, a explosé.

Une toute petite minorité (les 1 %) qui ont réussi à se débrouiller, souvent par malhonnêteté et complicité avec les dirigeants politiques, détient désormais l'essentiel de la richesse du pays.

A ce moment-là... hé bien, à ce moment-là, il est très difficile de sortir de la situation.

Historiquement, il est même rarissime qu'un pays y parvienne.

Vous retrouvez cette structure (quelques très riches et plein de très pauvres, pas de classe moyenne) dans tous les pays du Tiers-Monde.

C'était le cas dans l'Ancien Régime. C'était le cas également dans les pays communistes (les apparatchiks et les masses), et cela l'est toujours en Chine, la Corée du Nord, à Cuba et au Vénézuela, où le Président socialiste et les hauts dirigeant du Parti ont tout, les autres rien.

C'est malheureusement la tendance lourde qu'ont empruntée l'Europe et les Etats-Unis.

L'éloquente histoire du RMI (devenu RSA) en France

En France, le nombre de bénéficiaires du RMI/RSA a été multiplié par dix depuis sa création en 1989.

Il est passé de 400 000 à plus de 4 500 000, alors que les critères d'attribution se sont plutôt durcis. En pouvoir d'achat réel, le RSA est nettement plus bas qu'en 1989.

Mais rappelons que l'acronyme RMI signifiait : "Revenu Minimum d'Insertion".

L'argument de ses promoteurs était qu'il fallait donner aux plus pauvres un minimum de sous pour qu'ils puissent s'insérer.... et devenir autonomes.

La promesse était que, peu de temps après son instauration, tous les bénéficiaires du RMI seraient insérés et que le dispositif allait pouvoir être supprimé ! La pauvreté allait être vaincue !!!

Cela fait presque sourire de tendresse, si la situation n'était pas si dramatique aujourd'hui. Mais nous étions vraiment comme ça, dans les années 1980 en France : d'une naïveté - et d'une arrogance - confondantes.

Dans les écoles primaires de ma jeunesse, nos institutrices nous faisaient chanter, avec Coluche et Jean-Jacques Goldman : "Aujourd'hui, on n'a plus le droit, d'avoir faim ni d'avoir froid. C'est fini, le chacun pour soi, etc."

En d'autres termes, toutes les générations qui nous avaient précédés étaient des égoïstes et des idiots.

Nous, nous étions gentils ! Nous allions enfin changer les choses et mettre fin à la pauvreté !

Ce n'était pas sorcier : il suffisait que chaque famille apporte à l'école du riz, des pâtes et de la sauce tomate. Les Restos du Cœur allaient distribuer cela aux clochards dans les rues (le terme SDF n'avait pas encore été inventé) et ils allaient pouvoir reprendre une vie normale.

Nos institutrices en pleuraient des larmes d'émotion.

Parallèlement, de grands projets de rénovation des banlieues, des HLM, de grandes réformes de l'école, des tribunaux, des pratiques policières (contre les contrôles au faciès, etc.), allaient mettre fin, enfin, à la violence contre les pauvres.

On allait mettre fin aux discriminations pour les études supérieures, et tout le monde allait pouvoir devenir ingénieur, docteur, astronaute, que sais-je encore.

Je m'arrête là.

Chacun connaît la suite de l'histoire.

Chaque plan a échoué, mais des sommes colossales avaient été englouties.

Un nouveau plan, plus "ambitieux" (car, auparavant bien sûr, on manquait d'ambition, c'était ça le problème), était mis en place. Et la situation s'aggravait encore.

Renoncer à nos rêves d'enfants

Friedrich Hayek avait prévu cela.

Il disait qu'il fallait renoncer à ces rêves d'enfants.

Il disait qu'on ne pouvait pas enrichir un pays en distribuant plus d'aides sociales et en faisant tourner la planche à billets.

Que faire cela allait, forcément, conduire à des injustices de plus en plus grandes et, surtout, une rancœur, une haine de plus en plus féroce entre les gens.

En effet, les taxes et les charges augmentent le coût de tous les projets, et diminuent la rentabilité.

Cela rend donc les projets de plus en plus risqués.

Les gens s'en rendent compte et se sentent bloqués, privés d'opportunités. Ils n'ont alors plus qu'un moyen de sortir de leur situation : sortir dans les rues pour manifester, menacer de tout casser, tout détruire, à moins que les politiciens ne leur donnent ce qu'ils veulent (parce qu'il y a tellement de charges, de taxes et de règlementation que l'initiative individuelle devient trop compliquée, risquée et trop peu rentable).

Ce sont les Gilets Jaunes, et les manifestations de tous autres qui passent, chaque fois, un cran dans la violence.

"C'est évident, n'est-ce pas ??"

Tout ceci me paraissait avoir du sens, et relever même de l'évidence.

Je voyais bien, pourtant, que très peu de gens autour de moi partageaient mes opinions. Pour la plupart, ils disaient qu'il suffisait de faire payer les riches, pour améliorer la situation.

Mais j'avais une explication simple : il était sûr, pensais-je, qu'une personne qui aurait subi exactement les mêmes influences que moi, et lu les mêmes livres serait arrivée aux mêmes conclusions.

Il fallait donc que j'explique les choses aux gens. En parler, écrire, diffuser... Je pris la fâcheuse habitude d'aller embêter tout le monde de mes idées, que je trouvais formidables.

Je m'étonnais d'être si mal compris. Tout me paraissait pourtant si limpide.

J'ai commencé à évoluer, plus tard, quand j'ai découvert la psychologie et de l'inconscient sur les idées politiques.

Tout, alors, a changé.

Nous sommes des perroquets

Avec l'expérience, et grâce à de saines lectures allant plus loin que Friedrich Hayek, je me suis aperçu qu'il n'y avait pratiquement personne qui avait des idées "autonomes", et moi pas plus que les autres.

Même les grands philosophes qui produisent les révolutions ne font qu'exprimer, certes de façon plus claire que les autres, l'esprit de leur époque.

Tout se passe comme dans la mode, où les prétendus "créateurs" ne créent rien, ou pas grand chose. Ils ne font que pressentir, avant les autres, les tendances qui sont en train d'émerger dans la population, et répondre à ce que "les gens veulent".

Mais pourquoi les gens veulent-ils ceci ou cela ?

Mystère.

Pourquoi les hommes d'il y a 2000 ans trouvaient-ils absolument normal qu'il y ait des maîtres et des esclaves, alors que cela nous semble, à nous, absolument inhumain et scandaleux ?

Mystère.

Pourquoi, au 18e siècle, tout le monde s'est-il mis à vouloir absolument instaurer l'égalité entre les citoyens, alors que personne n'avait jamais eu cette idée auparavant ? Même dans les tribus de chasseurs-cueilleurs, soi-disant égalitaires, on distinguait avec le plus grand soin le groupe des guerriers, des vieux sages, des femmes, le sorcier, le chef, les petits garçons et les squaw...

Mystère.

J'ai commencé à voir les idées politiques comme, au fond, quelque chose de semblable à la mode, mais sur le temps long. On constate que nos goûts évoluent collectivement. On ne sait pas pourquoi.

Par exemple :

  • pourquoi le verni à ongle rouge a-t-il été remplacé, presque du jour au lendemain, par toutes les couleurs (sauf rouge) ?

  • Pourquoi les baskets avec des énormes semelles ont-elles, soudain, remplacé les fines semelles ?

  • Pourquoi les jeans carottes se sont-ils mis à plaire, simultanément, dans tout l'Occident et même au-delà ?

Mystère.

On ne connaît pas les raisons. On peut juste constater les faits.

Nous sommes tous emportés par un fleuve aussi puissant que l'Amazone

C'est donc la même chose avec les idées politiques.

Nous répétons, comme des perroquets, des bribes d'idées glanées à droite et à gauche, mais qui n'arrivent nullement dans notre cerveau par hasard.

Leur origine est mystérieuse mais tout se passe comme si nous étions tous en train de nager dans un fleuve aussi puissant que l'Amazone, qui nous fait évoluer, que nous le voulions ou non, dans la même direction.

Certains font des mouvements de brasse vers la droite, la gauche, le haut ou le bas, mais nous sommes tous transportés dans le sens du courant.

Prenez l'homosexualité : selon l'Observatoire des Inégalités, peu susceptible de complaisance avec les homophobes, 90 % des Français estiment que l'homosexualité est "une manière comme une autre de vivre sa sexualité", contre 20 % en 1980 (et sans doute 2 % en 1950).

C'est la même chose sur tous les sujets autrefois inflammatoires : contraception, avortement, divorce, mariages mixtes, travail des femmes... Si seule une petite minorité de la population française y était favorable en 1950, 90 % de la population a changé d'avis, et sans doute plus encore si l'on considère les moins de trente ans.

Lorsqu'un personne n'a pas encore changé d'avis, c'est donc une simple affaire de temps.

Ne pas tenir compte des opinions proclamées

Cette observation m'a amené à ne plus beaucoup tenir compte de ce que les gens disent croire ou penser :

  • Une personne a beau s'emporter contre les migrants, s'inquiéter du "Grand Remplacement". Mettez-la sur une plage en Méditerranée avec une mitrailleuse lourde et demandez lui de tirer à l'approche d'une embarcation chargée : à moins de tomber sur un psychopathe, la personne posera la mitrailleuse et laissera passer les migrants, comme tout le monde, et y compris si elle vient de voter RN ;

  • Une personne a beau s'inquiéter de la catastrophe écologique, souhaiter ardemment un retour à l'époque où l'homme "donnait à la Terre autant qu'il recevait". Jamais elle n'acceptera d'aller vivre, ne serait-ce qu'une saison, dans une ferme vraiment autonome, sans aucun usage d'électricité, carburant, engrais, engins, eau courante. Elle ne le pourrait pas de toutes façons car nous n'avons plus ni la constitution physique et morale, ni l'organisation, ni les savoir-faire nécessaires.

  • La grande majorité des Occidentaux ont beau dire qu'ils sont contre la guerre, et pour la paix dans le monde ; ils vont approuver, comme un seul homme, les interventions militaires à toutes les occasions, redécouvrant que, lorsqu'un pays voisin a décidé de vous attaquer, vous avez beau être "pour la paix", il faut bien à un moment donné se défendre donc "faire la guerre".

On peut en dire autant de tant et tant de sujets.

Pas de recherche du bonheur

Dans tous ces cas, il est inutile de demander au personnes qui prétendent penser ou croire ces choses pourquoi elles n'agissent pas de façon logique pour mettre leurs principes en application.

Car elles n'ont aucune réponse convaincante. Elles ne le savent pas elles-mêmes.

Et c'est là que les choses deviennent intéressantes.

L'écrivain russe Dostoïevski a développé la thèse originale selon laquelle l'homme n'est nullement à la recherche de la cohérence et du bonheur.

En fait, il recherche la souffrance.

Cela paraît curieux. Mais écoutons ses arguments.

Tous les systèmes philosophiques et politiques, y compris le libéralisme, le socialisme, le communisme, le conservatisme, le stoïcisme, l'épicurisme, l'écologisme, prétendent apporter aux hommes le bonheur ou du moins le droit à le rechercher : "The pursuit of happiness", dit la Constitution Américaine.

Or, comment ce bonheur est-il défini ?

Par un certain niveau de confort, de sécurité, de tranquillité, de liberté ; être entouré de personnes que l'on aime et qui nous aiment ; pouvoir développer nos talents ; être en bonne santé ; nous occuper des choses qui nous appartiennent, sans subir de violence ni d'injustice. Etc.

Or, dit Dostoïevski, observez deux minutes n'importe quel être humain à l'œuvre.

Ce n'est qu'exceptionnellement qu'il fait quoi que ce soit dans ce sens. La plupart du temps, il est tout entier occupé à satisfaire sa tendance à l'envie, la jalousie, l'arrogance, la passion amoureuse, le désir de vengeance, la joie de se sentir plus fort et d'écraser les autres.

Si les gens avaient réellement pour objectif la tranquillité d'une vie de petit-bourgeois, aucune page de l'histoire de l'humanité n'aurait été écrite, aucune vie humaine ne pourrait même s'expliquer, aucun titre dans nos actuels médias ne serait tel qu'il est.

Entrez dans n'importe quel bar, arrêtez une personne dans la rue ou dans les transports en commun et faites-la parler sur ce qu'elle cherche à faire en ce moment. Au-delà des belles paroles, des déclarations de bonnes intentions, si vous avez la moindre capacité de pénétration psychologique, vous vous apercevrez qu'elle fait donne systématiquement la priorité à ses passions, qui lui apporteront à coup sûr des problèmes. Et il est totalement inutile d'essayer de l'arrêter en lui tenant des discours "raisonnables".

Relire "Le Joueur"

Dostoïevski aurait été intéressé par le profil psychologique des sportifs de l'extrême, les adeptes des piercings et scarifications, les humanitaires, les reporters de guerre, les champions du monde de toutes sortes, les multi-entrepreneurs toujours prêts à risquer leur fortune, et connaître la déchéance, au profit d'un instant d'excitation.

Il a laissé une célèbre nouvelle, facile à lire d'ailleurs, sur l'histoire d'un joueur de casino qui reconnaît, contre toute attente, qu'il ne joue nullement pour gagner, mais a contraire, pour perdre, ou plus exactement connaître le sentiment affreux de la chute, à côté duquel tous les plaisirs petits-bourgeois sont insipides.

Depuis que j'ai découvert ceci, beaucoup de mes idées politiques de jeunesse ont profondément changé.

La religion

Aujourd'hui, j'ai cessé de trouver utile, ou intéressant, de me battre pour telles ou telles idées politiques.

Je pense qu'il y a eu, à de nombreuses époques et en de nombreux lieux sur la terre, des endroits où il faisait bon vivre, et où j'aurais sans doute préféré vivre que là où je me trouve aujourd'hui.

Toutefois, je ne pense pas qu'il soit possible d'y changer quoi que ce soit, par les élections, les manifestations, ou autre.

En effet, le résultat des élections, ou même le choix d'un dictateur, ne permettra pas d'influencer les choses dans un pays.

La seule chose qui influence véritablement les choses dans un pays est le "fleuve Amazone" dont je parlais plus haut, et qui emporte tout le monde dans la même direction.

La meilleure façon de décrire ce fleuve est de le comparer à une religion, étant entendu que je ne parle pas de religion officielle, type judaïsme, christianisme ou islam.

A ce sujet d'ailleurs, l'impact des religions officielles est en général énormément surestimé. Allez visiter les différents pays du Proche-Orient, vous y verrez la même chose, avec la même nourriture, les mêmes réflexions des gens, les mêmes habits, les mêmes comportements, les mêmes musiques, bien que tous ces gens se prétendent de religions différentes.

Non, je parle de la religion à un niveau bien plus fondamental.

Etymologiquement, la religion est ce qui relie les gens entre eux. C'est ce qu'ils partagent. Ce sont leurs valeurs, ou plus exactement les valeurs qui les habitent, qui les motivent, qui les font évoluer dans un sens ou dans l'autre.

Les populations qui se disent les plus athées sont les plus religieuses

Les pays qui se prétendent laïcs comme la France, la Suisse, ou la Suède, avec une majorité d'athées et d'agnostiques, peuvent être considérés comme, en réalité, les plus profondément religieux.

En effet, si vous les observez avec un minimum de recul, vous observez une uniformité de comportement stupéfiante, en particulier dans la façon dont tout le monde prétend se "rebeller" exactement de la même façon, et contre les mêmes choses.

Car nos croyances nous influencent d'autant plus que nous ignorons qu'elles existent.

Je pense que, jamais autant qu'à notre époque, il n'y a eu autant d'unité, et donc de religion, en particulier dans les populations occidentales qui se considèrent les plus libres, alors qu'elles appliquent un catéchisme aux articles aussi bien établis que les préceptes du Coran ou ceux de la Torah.

D'un jour à l'autre, tout le monde se met à se passionner pour tel ou tel sujet, prétendument prioritaire, oublié aussitôt le lendemain, et remplacé par un autre. Tout se passe comme si ces populations obéissaient à un sorcier qui les a hypnotisées, comme dans la tribu africaine caricaturale de Tintin au Congo.

Ces comportements moutonniers, mais profondément humains (tribaux serait sans doute le meilleur terme), comportent tous les aspects des religions, en particulier l'irrationalité, et le besoin de se déchaîner contre un bouc émissaire, dûment sacrifié, en public, pour rassurer les fidèles croyants sur les bien-fondés de leur position, et les éloigner de la tentation de se poser des questions.

Cela se voit à chaque élection, chaque guerre, chaque épidémie, chaque prétendue "controverse", où l'on sait toujours d'avance qui est le perdant ou le gagnant.

La Magna Mater déchaînée

Dans une autre lettre, celle sur Beigbeder, j'avais expliqué que le principe qui gouverne actuellement les populations occidentales est un principe ancestral, archaïque même, inscrit au plus profond de l'âme humaine.

C'est un "archétype", disait Carl Jung, celui de la "Magna Mater", la déesse mère à la fois féconde et chaotique, protectrice et castratrice, attirante et dévorante.

Cette Magna Mater, qui agit en nous, et à travers nous et dirige notre "fleuve Amazone", a un ennemi qu'elle ne peut supporter, et dont pourtant elle a désespérément besoin pour la canaliser : l'ordre, qui est son principe antagoniste.

Dès que ses désirs chaotiques sont contrariés par une loi, une tradition, une habitude, la moindre contrainte, naturelle ou artificielle, ou même un simple état de fait, elle se déchaîne. Il faut détruire les hiérarchies, nier le principe même de la justice, attaquer la compétence, s'abstraire même du principe de réalité, qui impose des limites jugées insupportables aux désirs et aux émotions infantiles.

Je pense que notre époque est gouvernée avant tout par ce principe, avec toutes les souffrances et les catastrophes que cela implique, et que notre soumission à la Magna Mater est d'autant plus grande, et dangereuse, qu'elle est totalement inconsciente.

C'est pourtant elle qui gouverne tout. Macron et Le Pen, Trump et Biden, Zelinsky, Erdogan ou Poutine, ainsi que tous les pseudo "dirigeants" de nos pays sont ses serviteurs. S'ils ne s'y soumettent pas, c'est dehors.

C'est peut-être le sens de la célèbre sentence : "Tu n'aurais aucun pouvoir sur moi s'il ne t'avait pas été donné d'en-haut".

Cette confession étant faite, je ne sais pas à quelle tendance politique dûment répertoriée cela me rattache. Mais je laisse à nos amis journalistes, par exemple Denis Robert et Moran Kérinec, journalistes à Blast et très grands analystes politiques, confirmer, ou non, que j'appartiens bien à la catégorie... qui les arrange, pour pouvoir raconter leurs belles histoires qui, je l'espère pour eux, leur permettent de se sentir intelligents, compétents, et rationnels.

Vincent

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Vincent Laarman
Lancé il y a 1 an

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  1. Kmi
    Je croyais déjà savoir mais mon cœur s’est quand même mis à battre à « nous sommes tous des perroquets »
© 2023 - Vincent Laarman
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