16 novembre 2022 • 6 minutes de lecture
Cyril Hanouna, Louis Boyard et la séparation des races.
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Chers amis, Chers camarades,
Rédiger cette infolettre exige parfois de grands sacrifices et c’est ainsi que, ce matin, j’ai regardé pour la première fois de ma vie quelques images de l’émission Touche pas à mon poste, animée par Cyril Hanouna. La chose, je dois vous le dire, m’a causé une intense souffrance. Voilà une douzaine d’années, je m’étais flingué les oreilles dans un concert de punk hardcore (c’était Agnostic Front, pour les connoisseurs), continuant à pogoter comme un immense demeuré alors que j’avais perdu mes protections auditives. Les acouphènes qui m’avaient assailli dans la foulée n’avaient pas duré au-delà d’un semestre mais, depuis lors, il m’est très pénible d’entendre plusieurs personnes parler – et a fortiori hurler – en même temps. C’est peut-être ce qui m’a sauvé, d’ailleurs, d’une carrière politique ou des AG d’organisations d’éco-anxieux.
Roger, le chanteur d'Agnostic Front qui me doit une oreille.
De même, me retranchant dans une sorte d’exil intérieur, je suis devenu sensible à la question de la laideur, aux couleurs criardes et à tout ce qui fait que notre modernité, qui produit en Chine des chaussons en forme d’étrons destinés à nos enfants, m’apparaît mille fois moins respectable que le Moyen-Âge, qui avait le bon goût d’édifier des cathédrales entre quelques riantes croisades. Il y a des cycles, dans l’histoire des civilisations, avec leurs moments de gloire. Le dernier fut sans doute l’explosion hédoniste des années 80, avec ses acteurs bodybuildés, la présidence glorieuse de Ronald Reagan aux Etats-Unis et la mort du communisme. La mode du pop-punk, au début des années 2000, n’était pas mal non plus.
Comment croire au progrès continu alors que notre civilisation produit cela pour ses enfants?
Mais enfin voilà, il me fallait donc, une bonne fois dans ma vie, contempler l’œuvre de Cyril Hanouna pour comprendre les raisons du buzz entourant sa récente dispute avec un député d’extrême-gauche, d’autant plus à gauche qu’il me semble être né avec une gigantesque cuillère en argent dans la bouche : j’ai nommé Louis Boyard, un jeune homme qui – selon mes informations – n’a rien à voir avec l’émission où des gens en collants allaient récupérer des écus sous le regard de Passe-Partout quand j’étais gosse.
Entre deux débats politiques, Afida Turner dans ses œuvres.
Je vais synthétiser les éléments qui m’ont frappé dans mon visionnage de l’émission : si j’ai bien compris le concept, voilà un talk-show qui peut inviter une dinde, Afida Turner, à venir écarter les cuisses et mimer des sodomies sur son plateau en chantant son tube Etienne à 19 heures, mais qui, dans le même temps, donne la parole à des gens pour débattre de l’opportunité ou non de prendre en pension quelques centaines de migrants en croisière. Tout se vaut, des vies et une paire de fesses, rien n’a de sens, on est bien. Et voici qu’au cœur de toute cette explosion de nihilisme, un freluquet récemment devenu député joue à la vierge effarouchée et dénonce le fait que le propriétaire de la chaîne qui diffuse ce concentré d’abrutissement contribue dans ses différents business au déracinement des passagers africains de l’Ocean Viking, navire au nom fort ironique au vu du profil assez peu nordique de ses passagers.
"C'est l'heure de venir regarder Hanouna les copains!"
Qui est le gentil, qui est le méchant, pour reprendre la classification du sieur Hanouna ? Franchement, je n’en sais rien et je m’en fous complètement. L’animateur est dans son rôle en reprochant à son invité, ancien chroniqueur de l’émission, de se mettre à cracher dans la main qui l’a longtemps nourri. De même, le jeune Boyard se montre très fort (woarf) en insistant sur la nécessité de pouvoir critiquer un patron de médias dans l’une de ses émissions. Ce qu’il est curieux de constater, c’est que ceux qui reprochent à la télévision d’avoir été aseptisée depuis trente ans s’indignent beaucoup de ce bref échange de noms d’oiseaux, largement inaudibles d’ailleurs. Voici la question que je pose : du moment où rien n’a de sens, du moment où des élus de la République peuvent ne rien foutre de leurs dix doigts et vivre aux crochets des ploucs qui regardent des émissions débiles, pourquoi les animateurs devraient-ils s’abstenir de les insulter ? J’ai instantanément détesté l’émission d’Hanouna, mais s’il y a une chose qui m’a séduit, c’est de voir cette caricature de racaille sur le retour balancer des « bouffon », « tocard » et « abruti » à son congénère.
La séparation des races
L’émission que je viens de résumer date d’il y a une semaine. J’avais alors entamé, et lisais sans doute au moment même du drame, un roman du grand écrivain suisse C.F. Ramuz nommé La Séparation des races. Les races dont il parle n’ont pas le sens que leur donneront plus tard les régimes d’extrême-droite. Par ce terme, qu’utilisait aussi beaucoup Péguy un peu plus tôt, l’auteur désignait l’élection d’un peuple et, comme le précise encore Benjamin Mercerat dans la réédition de ce roman aux Editions de l’Aire en 2020, sa réussite ou son charisme.
Les lectures favorites d'Afida Turner et Jean-Marie Bigard.
Il est question, dans ce récit, de deux peuples voisins qui ne peuvent pas se comprendre, n’ayant ni la même langue ni la même religion, et que le rapt d’une belle jeune femme conduira à l’affrontement. Le thème central est le reniement de soi et, je dirais, l’incommunicabilité. Les hommes y sont « posés les uns à côté des autres » et rien ne peut empêcher, entre eux, « de venir dehors ce qui [les] sépare en dedans ».
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Cette idée d’une séparation fondamentale entre les êtres m’est revenue en tête en découvrant ces images de TPMP. Tout en sachant qu’il y aurait du sang, et du spectacle, je me suis demandé ce que je pouvais avoir en commun, et c’est sans doute votre cas également si vous lisez cette infolettre, avec des êtres susceptibles de perdre cinquante minutes de leur vie chaque soir devant des analyses politiques produites par des beaufs triomphants et des pouffiasses en string. Comme le personnage principal de Ramuz va au drame en reniant sa mère, sa foi et son pays, il m’apparaît que nous allons au néant en abdiquant notre intelligence, notre esthétique et le goût des lectures au profit de l’animation du vide dont Hanouna me paraît le meilleur spécialiste francophone.
Des nouvelles du front
Au terme de cette livraison, je voulais encore vous donner quelques nouvelles plus personnelles. J’ai enregistré une conférence sur le wokisme que j’aurai bientôt le plaisir de vous proposer ici. Je ne sais pas si je suis bon à l’oral mais j’ose espérer qu’il y a quelques éléments intéressants dedans.
Voilà ma bobine après le tournage, j'étais dans le mal.
Autre chose, j’ai créé un groupe Telegram autour de cette infolettre, nommée « En enfer il y a... ». N’hésitez pas à venir y partager vos réflexions et vos suggestions de thèmes. Je suis une immense brêle en matière d’informatique, mais je crois que je ne me suis pas complètement planté en créant ce groupe.
Dernier point, la période est financièrement difficile pour mon journal Le Peuple, même si nous avons de grands projets qui se mettent en place pour l’année prochaine (que les investisseurs se manifestent !). Tout don ou abonnement, particulièrement web (le moins cher), nous est précieux. Ayant gagné ma liberté après quinze ans de médias mainstream, j’ai besoin de vous pour poursuivre mon petit bonhomme de chemin.
Que Dieu nous garde,
Raphaël Pomey
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